Newtopie

vendredi 1 mars 2013 § 3 commentaires

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Ce mois-ci le vendredi tombe à nouveau le premier du mois et c’est Juliette Mezenc qui est venue bricoler dans l’atelier. Accueillir l’écriture de Juliette, c’est ouvrir la porte à un tourbillon de liberté qui recompose la langue elle-même. Nous labourons tous deux un thème commun celui qu’elle appelle newtopie, ces figures du désirable qui sont déjà présentes dans le réel des pratiques humaines et ne demandent qu’à ce que nous les portions plus loin. Elle a proposé que nous partions d’extraits de textes produits par des élèves d’une classe de première L/ES dans le cadre d’ateliers d’écriture sur ce thème. Mon propre texte est chez elle à Mot Maquis. Comme chaque mois, grâce au généreux travail de Brigitte Célérier, vous avez accès à la liste des vases communicants.


Newtopie

Les rues sont larges et le sol pavé de pierres jaune rosé
Dans chaque rue, dix arbres obligatoires
Un homme traverse la rue, il est vêtu d’une chemise et d’un simple pantalon, blancs tout deux
More… déjà
La largeur des rues #froiddansledos
« Les édifices brillent d’élégance et de propreté, et forment deux rangs continus, suivant toute la longueur des rues, dont la largeur est de vingt pieds »
Cet ordre
On le retrouve dans le familistère de Godin
Logements donnant sur des coursives-balcons et organisés autour de cours qui rappellent plus la caserne #sauvequipeut
que le phalanstère de Fourier #inspirateur
plus ludique et libertaire avec sa rue-galerie faite pour faciliter les rencontres et la circulation par tous les temps
Maîtres-mots = clarté et transparence
On invoque le souci d’hygiène, le progrès social, et on a raison
mais
quelle place ici pour le secret ? #premierhic


Revenons sur cette rue, elle semble si parfaite, mais elle est tellement parfaite qu’elle ne le semble plus
Quelle place pour le repli, la déambulation anarchique qu’on appelle rêverie ?
En parlant des nuages, je les suivais.
Comment s’en sortir sans plages de solitude ?
Tout habitant de DreamTown est libre de la quitter pour découvrir le monde. Plus important, il peut revenir
Alors : Quitter
Toutes les utopies passées, communiste, fouriériste, proudhoniste, capitaliste (la plus fa-bu-leuse : marché-fée qui régule et finira par établir la prospérité jusqu’aux confins de l’univers) etc.
aucune particulièrement douée pour penser la liberté d’aller et de venir #secondhic
Quand tu aimes il faut partir
Et à chaque fois cette énergie libérée par le fait même de quitter
Parce que quitter c’est inventer
Hue ! Topie ! t’es une vieille carne mais on a encore besoin de toi

A une centaine de mètres… une école…
Ah ! Je me disais bien aussi qu’une ville paradisiaque ne pouvait finalement pas exister !
En newtopie, il n’y a pas de lieux pour apprendre
Il suffit de se former seul, mais accompagné. Seul, pour voyager, découvrir, expérimenter, chercher, fouiller, arpenter, explorer. Je travaille à me construire.
On avance en crabe, par les questions que l’on pose on the road et c’est la question qui rassemble autour de celui qui est en mesure de répondre
Pourquoi ? Je me pose tout le temps cette question
L’école est le lieu où l’on s’assoie pour parler et écouter
Ce professeur enseigne toutes les questions qui portent sur la vie, l’existence, un peu comme un cours de philosophie mais en mieux
Pareil pour l’action, un regroupement s’opère en vue d’une action ponctuelle, ensuite : dispersion !
Liberté d’aller et venir dans un réseau aux liens lâches et chaleureux
L’espace-temps n’est plus propriété d’une caste dirigeante

Je me lève à l’heure où mon corps l’a décidé
Le corps décide, son rythme
qui est aussi celui de la musique

Fini le coq c’est du Herbie Hancock. Il est 8h. Danse ta vie !
Parce qu’ici : on apprend l’invention
Sans oublier jamais
le petit apéro et tournoi de joutes et autres festivités
Parce que l’Homme est un animal excessif
irrationnel
qu’il lui faut composer avec l’hybris
Parce qu’il ne sera jamais raisonnable et sain
arrêtons #degrâce avec cette croyance #troisièmehic
L’Homme a peur
il est malade de peur
il est incurable
Il ne peut être qu’un Agencement Bancal Momentané
C’est Baudelaire qui a raison

« De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. »
Buvons et composons avec l’hybris
Des newtopies
Des textes-vies
Toujours remettons l’ouvrage-Rabelais sur le métier
Et n’oublions jamais #ambroisie
« qu’il n’y a tel torchecul que d’un oison bien duveté, pourvu qu’on lui tienne la tête entre les jambes. Et m’en croyez sur mon honneur. Car vous sentez au trou du cul une volupté mirifique, tant par la douceur d’icellui duvet, que par la chaleur tempérée de l’oison, laquelle facilement est communiquée au boyau culier et autres intestins, jusqu’à venir à la région du cœur et du cerveau »

montage de textes écrits par les élèves de première L/ES du Lycée Joliot-Curie (Sète) avec des interventions de Juliette Mézenc

§ 3 réponses à Newtopie"

  • ACC dit :

    Bravo à vous deux pour ce très bel échange ! Sacré palimpseste.
    J’aime tout particulièrement les « dix arbres obligatoires » / « la déambulation anarchique qu’on appelle rêverie »/ la présence des utopie fouriéristes à l’heure où l’on refuse ici le communautarisme / l’homme qui bafouille et oublie ces mots / « Je me lève à l’heure où mon corps l’a décidé. Lui aussi se lève au même moment. »/ l’idée d’une mémoire scripturale / les retours possibles entre les deux propositions & l’entremêlement des textes. En voilà un très beau tissu littéraire.

  • philippe dit :

    Très touché par votre commentaire. C’était pour moi une expérimentation hésitante et une grande joie de pouvoir me « greffer » sur la plus expérimentée fouriériste qui avait développé le modèle d’entremêlement dans Sujets Sensibles.

  • juliette dit :

    entremailons fomentons continuons nos « coïoneries », vous pouvez compter sur moi !

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