Les architectes des villes potentielles

dimanche 16 juin 2013 Commentaires fermés sur Les architectes des villes potentielles

Ceci est le onzième texte de la série Vacance. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.


Ils se réunissent périodiquement dans des événements aux titres changeants : le forum des néotopistes culturels, la conférence des ingénieurs du partage, le conciliabule des fabricants sociaux, l’assemblée des futurs incertains. Chacun de ces événements migre de ville en ville en suivant la cartographie des atmosphères en vogue ou en fuyant les prix excessifs de l’immobilier. Si l’on considére deux de ces réunions, elles ont sans doute la moitié de leurs participants en commun. Mais chacune a son aura propre, liée ici à la personnalité d’une organisatrice, là à une nuance de positionnement dont on pourrait discuter des heures sans arriver à parfaitement la caractériser.

Cela a commencé il y a un peu plus de dix ans. Aujourd’hui des brises contradictoires soufflent : le tourbillon de l’urgence, du peut-être déjà trop tard, le vent chaud d’une force naissante, le sentiment d’être déjà vieux et celui d’une nouvelle jeunesse. Ce sont d’étranges urbanistes, si différents des faiseurs de plans de ville idéale du milieu du siècle dernier. Ils commencent par construire leur ville et la pensent en chemin. Certains commencent par un tout petit morceau, une rue témoin dans l’espace des pratiques de chacun, une fanfare improbable qui se mêle subrepticement à un défilé, y joue une musique jamais entendue et transforme la procession en une inclassable manifestation. D’autres s’occupent des réseaux. Leur ville n’est pas encore là, mais elle a déjà ces circuits enfouis, ces veines où circulent le sang des expressions de chacun et la sève de nos amitiés. D’autres construisent d’étranges ateliers d’artisans, d’où sortent des machines à construire des objets pas encore conçus.

HHY & The Macumbas, 120 DB pleins de douceurs

D’autres encore se demandent comment faire pousser ces morceaux de ville comme des plantes émergeant de l’asphalte, ici ou . Ils ne craignent pas d’investir l’économie, de travailler les relations de pouvoir plutôt que d’en nier l’existence. Ils travaillent à une relation sans cesse renégociée entre les individus et les collectifs qu’ils forment.

Certains enfin réfléchissent au développement futur de ces villes qui ne seront jamais achevées. Toujours en essayant d’en construire un morceau tout de suite. Ils discutent sans fin de ce qui ne fonctionne pas, de ce qui va déconner demain. Le crime suprême c’est le positivisme béat. La rancœur et le ressentiment ne sont pas bienvenus. C’est une belle et fragile navigation des émotions et de la pensée.


Merci à Jonathan Utiel Saldanha, à gauche sur la photo et à tous les participants de la conférence Shared Digital Futures pour l’inspiration de ce texte.

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