Conséquences

vendredi 25 avril 2014 Commentaires fermés sur Conséquences

Ceci est le vingt-et-unième texte de la série Vacance. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.


Il y avait ceux qui se prenaient pour des stratèges, et puis ceux qui n’avaient pas d’arrière-pensées. Les stratèges se disaient que si les choses allaient de plus en plus mal et que juste au bon moment elles allaient un peu moins mal, alors la fragile mémoire humaine si avide d’espoir ne verrait que ce petit bonus, et revoterait pour la petite dose d’espoir, sans y croire trop, juste pour le flash momentané, juste pour le quart d’heure d’onnagagné. Ceux qui n’avaient pas d’arrière-pensées, ils étaient là pour faire avaler la potion amère à ceux qui avaient des arrière-pensées-mais-pas-trop. Les sans arrière-pensées, ils savaient qu’on les récompenserait, cette fois ou une autre. Leur mot d’ordre, c’était la discipline et marchons en groupe. Tout ensemble vers le désastre. Ceux aux arrière-pensées-mais-pas-trop, ils souffraient un peu dans un petit coin de leur corps éthique. Ils étaient nombreux. Certains étaient d’ailleurs en train d’en avoir trop des arrière-pensées, même que ça débordait, qu’on commençait à y distinguer fugitivement des pensées tout court. C’est pour eux que les sans arrière-pensées ont inventé les conséquences. Les conséquences, il vaut mieux ne pas les spécifier, on a chacun une imagination sans borne de toutes les conséquences possibles qui peuvent nous tomber dessus. Il suffit de juste chanter : il va y avoir des conséquences, et voilà qu’elles planent sur nos têtes, pénètrent nos cauchemars. On est prêt à rentrer dans le rang, à se faire tout petit même. Pour y aider on a inventé les fausses alternatives. Les modifications au plan qui gardent le même plan, avec des retouches que chacun pourra affirmer avoir obtenu de haute lutte. Des compromis négociés entre gens qui sont tous d’accord pour faire passer une pilule qui n’agit qu’à distance, au loin et sur les autres.

Au total, il en est resté très peu. Neuf, je crois. Neuf qui ont laissé les pensées commencer à fleurir. Ah, ça, des conséquences, il y en a eu. Pour tout le monde ou presque. Les conséquences du plan d’abord. Juste comme prévu, le désastre. Et puis, des sans-arrière-pensées, il y en avait tout un réservoir, prêts à en avoir encore moins, à mettre au pas tout un chacun et les uns contre les autres. Des conséquences pour tout le monde, donc. Sauf peut-être pour les neuf, mais ça, on ne s’en est rendu compte que beaucoup plus tard.

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