jeudi 28 janvier 2021 § Commentaires fermés sur Intervention au Chandrabhaga Poetry Festival – 9 janvier 2021 – FR/EN § permalink
Au Chandrabhaga Poetry Festival le 9 janvier 2021.
Intervention dans la session « French poetry » animée par Guilhem Fabre et co-organisée par les éditions Phloème. Merci à Savita Singh et Ashwani Kumar pour l’invitation. Vous pouvez visionner l’ensemble de la session ici.
dimanche 17 juillet 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 20 § permalink
la terre assoiffée
rétractant sa croûte
révèle un pavage secret
d'hexagones cabossés
ainsi la langue
dépérissant
de chercher en vain
les mots
de l'insensé
affamée
de ce qui ne se peut
éperdue
de dire quand même
la langue
révèle les chemins
de ce qui craque en nous
jetant ce filet
dans la houle
du temps furtif
nous y recueillons
la vague
d'un regard
le battement manqué
d'une inspiration
la précieuse brûlure
d'aimer
et la brise portante
de ce qui se dit à plusieurs
jeudi 14 juillet 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 19 § permalink
le mortier trop dur
ne suit plus
le bâti de nos liens
fissures omniprésentes
combattues
par des tirants serrés
pour éviter les écarts
lourds étaiements
pour que plus rien ne bouge
faut-il alors
enlastifier les fissures
pour que respire à nouveau
le possible
de nos élans
une vitre
nous sépare du monde
opaque et déformante
seules ses brisures
nous permettent d'y voir
quand un verre précieux
se cassait autrefois
on coulait dans ses fentes
de l'or fondu
à présent, de quelque source
il jaillisse
c'est au suc ambré
des mots
qu'il nous faut lapper
quelques gouttes
de lumière
dimanche 10 juillet 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 18 § permalink
dispersée
en zones de chalandise
identitaire
notre constitution humaine
survit dans ce qui suinte
précieuse dysfonction
bouillonnement intérieur
devinant quelque alchimie
un hasard malicieux
rapproche
nos fêlures
effleurement où surgit
le sens qui nous lie
dans notre étrangeté
turbulences
des flots
jaillisant s'engouffrant
de dans les déchirures
être de ce qui déroge
en nous l'autre
si cela nous est donné
une cicatrice à jamais
y apposera sa marque
on ne sait à quoi
d'autres perçoivent
l'invisible trace
un regard
un geste imperceptible
disent
ce pourrait être
et de le savoir
chacun vertige du possible
mercredi 6 juillet 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 17 § permalink
chacun transporte autour de lui
une cage transparente
cristal gazeux
aux arêtes invisibles
cellule d'isolement
un nulle part
portable en tous lieux
ce pavage de solitudes
étouffe la terre vivante
mais que frémisse le sol
ou tempête le soleil
qu'il vente des aurores
ou érupte le volcan nocturne
et en mille anfractuosités
suinte le suc des corps
soudain
un treillis proliférant
de fissures rougeoyantes
dessine la géométrie
des voisinages
et sa topologie secrète
réunit des amis ignorés
mais nul toucher
ne traverse les faces
et les coresprits
restent divisés
leur peau leur gorge
s'enflamment
d'une soif
inapaisable
vacarme
muet
de leurs yeux
samedi 2 juillet 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 16 § permalink
six et demi
sur l'échelle de Richter
sol sablonneux
des attentes
ondes verticales
comme des haut-le-cœur
tout se fend
aux jointures
de leurs corps
disloqués
s'enchevêtrent les membres
mikado de chair et d'os
une lente reptation
pour se dénouer
bouches guidées
par la soif
mains happant
flancs, seins, hanches, fesses
peignant cheveux
comptant vertèbres
mais à qui
sont ces corps ?
puis ils reposent
demantibulés
angles étranges
de leurs articulations
marmonnent des sons
d'outre les langues
qui disent
les bordures incertaines
qu'ils ne sont plus qu'un
mais séparé
que leur corps ne s'arrête plus
à leur peau
qui appellent
le filet
d'une autre étreinte
vendredi 24 juin 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 15 § permalink
dans cette plaie
qui ne guérit pas
d'autres flux s'engouffrent
la vie
se mêle à la douleur
l'un temps indicible
murmure de nouveaux mots
le mal connu
féconde l'insu
d'une question ouverte
un visage
entr'aperçu
une voix
traversant les pores
de plus que la peau
visites
sans attaches
régénération
de l'imaginable
baume d'eau fraîche
sur la brûlure
temps de chaos
quarante ans
de carence
nous rattrapent
nous y serons naufragés
happant des bois de dérive
pour y graver
un morceau de sens
mais nous y aimerons
encore
mercredi 22 juin 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 14 § permalink
la topographie inconnue
des sens et des gestes
laisse pourtant affleurer
de nous
un autre corps
où bouillonnent
les flux de convection
du dedans au dehors
et dehors dedans
en pérpétuel mouvement
en tous sens
entrent et sortent
en nous de nous
des jaillissements de mots
de sensations de percepts
d'émotions de désirs
de sexes ignorés
sur la peau et nos fentes
nous sommes alors
fissurés
mais vivants
vivre
c'est un (dés)équilibre métastable
des flux
qui nous traversent
nous lient et nous délient
en nous mêlant
à d'autres
mais parfois
les flux entre deux êtres
sont si intenses
qu'ils sont la vie
même
les délier
est un arrachement
une blessure
qui ne cicatrise pas
vendredi 17 juin 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 13 § permalink
cavités intérieures
formant une galerie
dans le coresprit
l'empreinte
d'un passage
où se glisse
un fleuve intermittent
révélant
peu à peu
son empire souterrain
doit-on
ces cavernes
au passage
de fleuves rugissants
ou
comme pour
les marmites géantes
aux parois des canyons
à l'érosion lente
d'un goutte à goutte
son empreinte imprimée
dans les parois
sourd de partout
suintante
de sons d'avant la langue
qui disent brûlements
ou délices
suintent aussi par dehors
des mots pour d'autres
le flou des êtres
les tourbillons
des choses
des marques qu'on est seul à voir
un cercle dans l'œil
l'augure d'une présence
entre-deux
des chemins de langage
dans nos chairs fissurées
lundi 13 juin 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 12 § permalink
témoin brisé
la fissure s'élargit
devient fente
brèche, crevasse
s'ouvre en craquements silencieux
bientôt c'est une faille
dans des strates inconnues
émanations
souffles telluriques
doucement sulfureux
nous respirons
l'haleine de la terre
dépôt de ses âges
dans nos alvéoles
boire
la source cachée
à la bouche
de ton corps
sentir
l'ouverture secrète
de nos cicatrices
la brûlure
de leurs baisers
l'eau chaude
après le vent glacé
rien qu'un rêve
mais pourquoi alors
ce tiraillement des nerfs
ce vertige
le remous des mots
qui sondent
la douleur du réveil
la trace
sur la peau
d'un éclair
dimanche 24 avril 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 11 – Val Devero § permalink
soleil dans le dos
lumière matin
ombres longues
sur le plan parfait
du lac gelé
quelques centimètres de fraîche
durcie par le gel nocturne
au terme de chaque pas
la glisse s'allonge
étire les muscles
révèle la trace invisible
d'une skieuse fugitive
escortée
dans des rêves adolescents
sur les bords
plaques brisées
résidus chaotiques
de l'eau vidée
pour éclairer une ville lointaine
en lisière
la glace fond
cloaques gris
aux mouvements imperceptibles
au centre nulle menace
mais où prendre pied ?
la fugitive guetterait
au loin un escarpement
pont de neige
sondé du bâton
puis tâté d'un ski hésitant
il l'aperçoit
mais résistera-t-il
au poids du souvenir
samedi 2 avril 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 10 § permalink
deux formes
délimitées par elle
qu'on peut lire
l'une sur le fond de l'autre
ou intimement emboîtées
deux êtres
dans l'indétermination
de l'amour
la fissure ne passe pas entre eux
elle traverse chacun
le divise entre
ce qui lui appartient
et ce que l'autre est en lui
ce qu'il lui abandonne
et l'à jamais inconnu
nul dualisme
pour répartir
de part et d'autre
masses et fluides
peau, chair, os
mots, pensées ou sentiments
quel bizarre mélange
entre l'irrémédiable solitude
et l'indistincte limite
de nos corps
à qui appartiennent
ces sexes ?
On trouvera une traduction de ce poème en italien sur un des sites de @larosaturca, avec qui nous écrivons entre les langues.
samedi 26 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 9 § permalink
elle débute au bord de l'allège
traînée noirâtre zigzaguante
sur le mur jauni
rappelant juste
la descente des forces invisibles
le regard perdu
dans son insignifiance
s'habite
de ce qu'on ne voudrait pas voir
sa brûlure
comme d'un éclair
que sait-elle
des chemins de l'air en nous
du froissement des alvéoles
quand passe la respiration
du souffle soudain absenté
de reprendre le pouls du monde
résonances imprévues
influx palpitant
au cœur du réacteur
emballement des systoles
et la note filée
d'une douleur inquiète
comme un appel muet
à porter nos incertitudes
en drapeaux de fièvre
et réclamer les villes
mercredi 23 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 8 § permalink
terre prise dans nos mains
sphère vaguement aplatie
fissurée de partout
boule de feu intérieur
suintante de lave
deux sortes de fissures
au fond des mers
la convergente subduction
et les dorsales divergentes
et sur terre
les chaînes de montagnes
et les rifts
prêts pour d'autres océans
mais c'est la terre
qui nous tient dans ses mains
et nous précipite
en d'autres convergences
subduits
conjugués
renvoûtés
sous des plaques souterraines
en chambres cachées
où bouillonne
le magma des mots
que nous balbutions
peut-on apprivoiser
une éruption tendre
un filet de lave
qui coulerait
comme une caresse
un doux grondement
murmure de jouissance
mots indistincts
babil adulte
comme jailli d'un rêve
surpris chez une dormeuse
adressé à nul autre
que le gardien des songes
vendredi 18 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 7 § permalink
Les Californiens fendaient le bois avec un coin en andouiller qu’ils enfonçaient à l’aide d’un maillet en pierre brute
R.-H. Lowie, Manuel d’anthropologie culturelle,1936, p. 132.
même en langues ignorées
l'étymologie
s'inscrit dans le coresprit
se sentir fissuré
c'est fissum iri
être sur le point
d'être fendu
on ne sait
qui posa un jour
des coins invisibles
dans la bûche
de la langue
et les replis
du corps
il suffit d'un rien
un regard à la dérobée
un grain de double-entendre
la matière d'une voix
que l'on boit sur des lèvres
une alchimie de la chair
même pas frôlée
une phrase dite par l'autre
qu'on croyait avoir pensée
et la chair tremble
grince craque
un bruit intérieur
entendu de nul
l'esprit s'échappe à lui-même
se fend se divise
on acquiert
d'autres sexes
qui font l'amour
à notre insu
et des langues parlent
dans notre bouche
vendredi 11 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 6 § permalink
vient le séisme
sourde détonation
ondes verticales
souffle retenu
puis l'écoute boit le silence
plus tard l'inspection
en quête de fissures aux linteaux
de petits morceaux de ciment
chus au sol
l'autre séisme
lui ne détonne pas
passe inaperçu
cette cicatrice d'abord imperceptible
on mettra longtemps
à la relier à
est-ce même une cause
ou l'interaction de corps
une gravitation particulière
qui vaut bien l'universelle
parfois les lignes se frôlent se touchent, aveugles dans
se rejoignent l'obscurité
mais là
les lignes nous traversent
elles nous lient
comme un fagot de petit bois
des ligatures invisibles
qui creusent dans les chairs
des boursouflures
si corps ou pensées
tentent de les démêler
elles tissent de nouveaux mots
qu'on ne dira pas
elles murmurent
des trucs genre
défissure-moi
onguente-moi
de ta lymphe
lundi 7 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 5 § permalink
désordre
dans la maçonnerie
du coresprit
ça se coupe
se disjoint
se fendille
s'écarte
ça suinte
un liquide bouillonnant
qui dégouline
du couvercle soulevé
d'une marmite
un sirop au boulé
qui nous brûlerait les doigts
et ça fait du bruit
en dedans
un gargouillis
de tripes
un chant qui pourrait
sauter un temps
et précipiter le cœur
dans la fournaise
et la furie
ça dit des mots en nous
qu'on ne connaissait pas
et en nous
quelque chose répond
encore
sans les comprendre
et ces mots
qu'on ne comprend pas
on les assemble
comme on rebâtit
un mur effondré
et ils parlent
ils disent
toi aussi
ils disent viens
viens contre
viens avec
mardi 1 mars 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 4 § permalink
Mots lancés comme des fissures dont une extrémité vient de te toucher, presque par négligence
Virginie Gautier, Marcher dans Londres en suivant le plan du Caire
elles sont
quelque part
dans cet embrouillamini de cellules
à un étage inconnu
entre ce qui grouille
sous notre conscience
et la danse des acides aminés
elles sont
dans la langue
les liens incompris
des sens et des sens
dans les mots qui sortent de travers
se bousculent
ou qu'on ne trouve pas
elles sont
dans l'entre-deux
la rare suspension
des inassouvissements
elles sont
dans l'intensité
de n'être qu'une parenthèse
que les dieux parfois
nous envient
fendillement des nerfs
failles où loge le désir
séismes du cœur
gouffres minuscules où sombrer
nous sommes
nos fissures intérieures
vendredi 26 février 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 3 § permalink
retour à l'asphalte du trottoir
une coulée de pisse
jusqu'à la margelle
il se tient assis
un peu à l'écart
son panneau annonce
71 ans, 41 années de travail
dit que maçon il fut
assis dos droit
bien de sa personne
le visage paraîtrait beau
sans le regard perdu
dans un ailleurs dépeuplé
la fissure n'est pas dans la rétine
se loge ailleurs
une ancienne douleur
coupure des liens
entre œil et cerveau
est-ce
une usure du voir
tendu jusqu'à craquer
quelque chose
d'irregardable
et pourtant vu
ou une brûlure d'impensable
il se tient
c'est tout
portant un reproche muet
qui ne s'adresse à personne
et dont tous emportent les bribes
dimanche 21 février 2016 § Commentaires fermés sur Fissures / 2 — À Pécondal § permalink
sur la colline calcaire
pierres sèches du mur
à certaines
cassées ou dégrossies
des éclats
comme d'un silex taillé
nulle fente
nul pli
les seules fissures
sont entre leurs lits
ou courent en diagonale
lèvres obliques
rictus ou sourires du mur
pas un souffle dans l'air
on devine l'infime remous
créé par les ailes du pic-vert
le roucoulement d'une colombe
en ce pays de pigeonniers
lente caresse horizontale
du soleil en fusion
qui ne veut pas se coucher
février trop chaud
le silence comme l'attente
d'une catastrophe
qui nous rassurerait peut-être
en comparaison
de l'inimaginable
ou d'un élan soudain
printemps d'avant le printemps
soulevant nos cœurs éprouvés
leurs palpitations assoiffées
guettant le murmure du non-advenu
promesses
à nos oreilles crédules
on en oublierait de respirer
de peur de troubler
ce temps en gestation
qui habite le jour