Les absents

mercredi 1 mars 2017 Commentaires fermés sur Les absents

Ceci est le trente-huitième texte de la série Néotopies. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.


Ça commence par l’empire du pire aspirant tout et le reste avec. Décomposition vivante, digestion de soi, os pourris, ventre mangeoire dévoré dedans de voraces envies nourrissant le chaos. Les espoirs taris en instance de déni.

Le pire des moins pires devient pire que le pire. Les justes moins pires ânonnent leurs dogmes à la gargotte des oligarques et le dégoût qu’ils inspirent alimente l’aimant du pire. Un d’autant plus pire qu’il se présente comme propre sur lui s’enfonce doucement dans le bourbier qu’il a soigneusement creusé. Ailleurs, confits en la certitude d’avoir toujours été du bon des côtés, mais oubliant un peu leurs portefeuilles passés, d’autres s’accrochent avec les dents à l’os qu’ils rongent depuis si longtemps, la médaille du meilleur perdant mais pas magnifique. Les en partance du moins pire hésitent pareillement à risquer le possible. Englués dans les palais du passé, ils courent à la même perte en prétendant les fuir.

Ni les uns, ni les autres ne savent les cœurs meurtris, les corps usés et qui pourtant se dressent pour se reconnaître, s’aimer et construire. Bien sûr, leur cœur peut être meurtri, leur corps usé, mais ils croient que c’est un hasard de la vie, une maladie ou l’âge, pas un état des choses du monde. Aucun n’a compris que tout est à refaire, la langue, la parole, la technique, ce que vaut un geste ou un acte.

Et pourtant. De partout bruit une rumeur. L’esquisse d’une danse sur des amoncellements de déchets. Ceux qui s’y trouvent décident qu’il vaudrait mieux des alternatives qu’une alternance. Alors ils vont donner une chance aux prétendus alternatifs. Mais pas celle dont ils rêvent, pas la soudaine marée de soutiens qui leur permettrait de noyer l’autre pour avoir le monopole des futurs naufrages. D’habitude ils détestent, mais là ils font une sorte de pétition. Une lettre ouverte des absents à ceux qui disent les représenter, qui dit juste qu’ils sont trop de présents prétendant parler pour les absents. Et que si leur nombre ne se réduit pas, les absents s’absenteront. Ils ont l’habitude.

Au début, ça paraît insignifiant. Encore une pétition. À un million, les candidats demandent juste aux chargés de campagne de sonder un peu si c’est pour de vrai. Ils questionnent un petit échantillon, se font insulter et reviennent dire que pas de problème, ce sont juste quelques anars qui de toute façon ne voteraient pas. Au dosage sondé d’après, le toujours du bon des côtés et l’en-partance du moins pire baissent tous les deux, pendant que l’oligarque et la fasciste font couple de favoris. Les absents se font matraquer parce que demandent justice ou exercent leur humanité. Qui entendra la rumeur des absents ?

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