Initiation au ski dans l’anthropocène finissant

mercredi 26 février 2020 Commentaires fermés sur Initiation au ski dans l’anthropocène finissant

Mi-février, la montagne a son costume de juin. Le temps au beau fixe finit par coller sur le paysage une couche d’irréalité. Asthmes et virus variés aidant, l’assez mal nommé écobuage (en fait, c’est aujourd’hui un brûlis sur pied des broussailles et arbustes, voir cet article de wikipedia) combiné à l’inversion de température rend l’air irrespirable, la fumée s’étale en bandes horizontales en dessous desquelles la moins visible pollution automobile et chauffagière exerce ses effets. Les petits sont là, cinq et trois ans, plus tard ils chausseront les skis de randonnée dans une forme ou une autre, mais pour l’instant il revient aux grands-parents de leur faire franchir quelques étapes préliminaires : monter en canard ou escalier, glisser, tourner, s’arrêter. On pourrait sans doute s’en passer, mais les monitrices et moniteurs retraités mobilisés pour cette semaine d’affluence ont quelques techniques pédagogiques qui nous feront gagner du temps. On s’embarque donc pour 30 km en voiture puisque les endroits où habiter agréablement sont assez loin de ceux que les stations ont occupés et histoire d’ajouter nos particules fines à nous à celles déjà présentes. Le petiot s’endort, sa tête abandonnée valse dans le siège bébé et à l’arrivée, il trouve à son goût la quasi-fraîcheur et poursuit sa sieste. La montagne est brune et poussiéreuse, rayée de lignes blanches légèrement obliques, appelées pistes. Comme l’isotherme 0° C nocturne est à 3500 m certaines nuits, les canons à neige sont au chômage technique et des tracteurs tirent de grosses carrioles remplies de neige venue des hauteurs et les déversent pour que les dameuses les étalent sur les pistes. Dans les régions plus riches, des hélicoptères s’en chargent et aux pays de l’or noir, on réfrigère directement le désert. Le parking est plein et le petiot dort toujours.

On se sépare en deux équipes, une attendant le réveil du petiot et l’autre amenant le grand au début du cours des pioupious. Il ne s’agit pas des braves du 17e qui refusèrent en 1907 de tirer sur les vignerons en colère. Le grand est un peu grand pour les pioupious mais pas tout à fait assez expérimenté pour les oursons ou un autre groupe, je ne me souviens plus. L’école de ski français (on notera que c’est le ski lui-même qui est français et non l’école) a multiplié les niveaux et les diplômes là où le flocon, lui-même récent, précédait seul la première étoile. Le petiot finit pas se réveiller et c’est là que nous découvrons que le cours ne peut pas être rejoint en marche, un primo-arrivant pas au niveau, ça va freiner les autres. On lui réserve un cours particulier pour le lendemain, et on se relaye en moniteurices improvisées pour le reste. Le reste ce sera le tapis, où le forfait est gratuit pour les moins de cinq ans, mais une carte RFID doit cependant être achetée gratuitement pour raison de portillon automatique et traçage des petiots. Non, ça, ce n’est pas vrai, ils n’ont pas encore pensé à exploiter ces données, ni à implanter des écrans d’images animées vantant des glaces dans le tunnel transparent du tapis. Tout ça se fait dans la bonne humeur, car le vrai centre économique, c’est le café-bar, bières, crêpes, serveureuses sympathiques et efficaces.

On repart pour 30 km dans l’autre sens. Ça discute ferme à l’arrière dans un mélange de français, d’anglais et d’argot enfantin assez pipicacaesque. Le soir on a promis pizze ou crèpes. Ce sera pizze et glaces aux bonbons Haribo, les inhibitions vacillent. On parle de coronavirus (COVID-19 pour les intimes) et comme les petits nous ont contaminés avec leurs rhino-pharyngites, on tousse ferme, sous le regard méfiant des autres dineurs prêts à nous confiner.

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