Little boy – Lawrence Ferlinghetti (en anglais)

lundi 8 juin 2020 Commentaires fermés sur Little boy – Lawrence Ferlinghetti (en anglais)

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Pour une fois commençons par l’objet. D’habitude, je n’aime pas les livres cartonnés et les surcouvertures – ça a sûrement un nom qui m’échappe – ici les deux sont magnifiques. Et puis surtout, sur la page de mention de l’éditeur (Doubleday), il y a le tampon de CityLights Bookstore, la librairie fondée par l’auteur, où les amis qui m’ont amené le livre l’ont acheté. Sur la surcouverture, il y a écrit A novel, mais la forme de ce roman est un immense poème en prose, sans aucune ponctuation, où les scansions qui délimitent des sortes de phrases sont signalées par une majuscule sans point avant et les très rares paragraphes commencent par une préposition, une conjonction ou un bref adverbe écrit tout en majuscules. Lu comme un roman, on s’y égare parfois, mais lu comme un poème en prose, à voix haute ou intérieure, ça coule de source.

Lawrence Ferlinghetti a écrit ce livre pendant sa 99ème année, même si son éditeur a choisi de le publier à l’occasion de son centième anniversaire pour la première occurence du Ferlinghetti Day décrété par la municipalité de San Francisco pour tous les 24 mars à venir. En le lisant, l’idée que je puisse avoir encore une trentaine d’années pour écrire, fut-ce des textes bien moins remarquables, m’a un instant visité mais j’ai préféré en revenir à l’ignorance du temps qui me reste. Little Boy commence par une narration de la vie de sa mère et des circonstances de sa petite enfance. Plus loin, il dit de son enfance : This is how rebels are fomented. Et comme nous sommes quelques-uns à bientôt fomenter des indocilités poétiques pour la troisième édition du festival de poésie-performance Ourdir, je me suis émerveillé qu’en anglais on puisse être fomenté.

Après que Ferlinghetti nous ait montré que, s’il voulait, il pourrait être un maître de la narration plus classique, un tourbillon gigantesque se lève qui brasse le sexe, l’amour, la démographie, les animaux, la culture, l’écriture, la science, les crises écologiques, le bouddhisme, son café de North Beach1, Paris, le débarquement en Normandie, les rencontres avec les écrivains, et à nouveau ou toujours l’amour et le sexe. Les coulées verbales s’enchaînent et se répètent avec variations, contradiction même parfois, car le microphone est dans la pensée et la pensée n’a pas peur de se contredire. C’est magnifique. À la fin il retourne, non je n’ai pas le droit de vous dire où puisque c’est la fin, quelle que soit mon envie car ce lieu improbable, je le connais, je l’ai parcouru dans mon premier voyage dans le pays où mes parents se sont rencontrés. Au passage Ferlinghetti écrit aussi sur ce qu’il est en train d’écrire, et dans un de ces passages, il énonce une sorte de programme pour la poésie et le roman contemporains :

… a poem with an invisible subject like a novel that has no plot but wanders around, in which its characters wander around through life in what would appear to be an aimless fashion, or at least with no steady intention or aim, and in the end, even the author has no idea where his back is headed or will end up, just like life itself, and if art is supposed to imitate life we are left with a masterpiece the past a heap of broken images and the future an infinite no -man’s-land…

  1. Cafe Trieste. []

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