Contredisantes

dimanche 24 mars 2013 Commentaires fermés sur Contredisantes

Résumé des épisodes précédents : on a exploré des lieux de rencontre entre différentes sortes de défecteurs.


« Vous voyez bien, disait-on, cette femme bizarre et contredisante aime les diables… »
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, p. 198 via le Trésor de la langue française

La Maison. C’est comme ça qu’on disait à l’intérieur. Il y avait ceux qui étaient du côté du manche, leur tranquille brutalité, leur sentiment du devoir accompli lorsqu’ils veillaient à l’application de régles jamais écrites et à la mesure d’indicateurs d’efficacité ou de performance dont on avait juré qu’ils n’étaient là que parce qu’il en fallait et qui avaient fini par tenir lieu d’objectifs sacrés et fluctuants. Il y avait ceux qui filaient doux. Tout se passait bien. Ils travaillaient aux indicateurs en se disant que c’était pire ailleurs, qu’il y avait beaucoup à perdre, de beaux restes d’une noble mission. Il y avait ceux que des causes inconnues avaient cassés ou tout au moins fêlés. On invoquait la malchance, le destin, les maladies du temps. On les tolérait, avec des manifestations d’impatience croissante au fur et à mesure que l’étau des ressources se resserrait. Et puis il y a avait les indomptés qui continuaient à donner du sens à la Maison. Des femmes souvent, mais il y en avait aussi dans les catégories précédentes et des hommes dans celle-ci. On dira « elles ». Elles avaient construit des zones de projet temporaire. Comme elles faisaient aussi tout le reste, on l’acceptait. Et puis c’était pratique de les avoir sous la main quand il fallait montrer qu’on continuait à innover. Faire tout le reste devenait de plus en plus ingérable. Elles rêvaient d’un monde où leur mission choisie leur serait confiée comme but premier. Puis se réveillaient avec le souvenir d’un cauchemar où ça tournait mal. Chacune ressassait ses contradictions comme des balles rebondissant sur les murs d’une pièce sans porte.

On ne sait pas comment est né le mouvement des contredisantes. Il y a des hommes qui en font partie comme pour les sages-femmes. Au départ c’était une sorte de groupe de discussion, nulle intention subversive. Elles ne disaient pas contre, ne portaient pas la contradiction, elles la disaient juste. Entre elles, et puis sur un blog où elles écrivaient les contradictions d’une autre pour brouiller les pistes. Tout aurait pu en rester là, mais les ducôtédumanche n’aiment vraiment pas la contradiction.

Comments are closed.

meta