L’un des principaux acteurs de l’édition numérique littéraire, la galaxie publie.net (qui inclue les édition publie.net, leur extension publie.papier, la revue D’ici là, etc.) est en train de se reconfigurer pour une nouvelle étape. Une équipe déjà active d’auteurs et de professionnels de l’édition numérique prend les rènes, et j’espère pouvoir l’y aider, ne serait-ce que par reconnaissance pour tout ce que m’ont apporté les auteurs et lecteurs qui évoluent dans cet univers.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, on ne peut pas concevoir le futur d’une maison d’édition numérique littéraire sans prendre en compte l’ensemble de l’écosystème de l’écriture, de la lecture, de la médiation et plus généralement du numérique.
L’aucteur entre maison numérique, communauté et édition
Deux éléments caractérisent l’écriture littéraire native sur le Web. Le premier, souligné par François Bon, est que l’auteur s’y construit une maison numérique, peuplée de ses brouillons, de ses productions publiées, un atelier aux multiples établis. Le second me conduit à utiliser le mot aucteur dans un sens différent de celui qu’il avait chez Montaigne, pour souligner l’intrication entre les pratiques d’écriture et de lecture au sein de communautés d’auteurs-lecteurs. Ces communautés développent des pratiques sociales (comme les vases communicants) qui instituent les aucteurs comme pairs. Plus généralement, à travers la recommandation et les commentaires, un continuum d’activités de lecture, de recommandation et d’écriture se développe, activités qui « font société » dans un sens très différent des sociétés d’auteurs. La pratique littéraire dans une communauté de ce type entretient et nourrit l’acte d’écrire. Elle n’en épuise cependant pas le projet.
Les contraintes de temps limitent le nombre de pratiques de ce type1 auxquelles un individu peut s’adonner pleinement. L’écriture littéraire n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres allant d’autres pratiques artistiques à la production matérielle, du partage des connaissances au jardinage, de la science aux logiciels ou à la cuisine. Les productions de chacun ne s’adressent pas qu’aux participants à sa communauté de pratique. L’écriture est avant tout personnelle, ancrée dans l’individu et le construisant, et pourtant elle vise toujours une lectorat au-delà du connu. Et quand bien même elle ne le ferait pas, l’acte de publication donne le droit à d’autres de le souhaiter. Ce passage à un lectorat plus large et moins connu suppose, dans des proportions variables, l’intervention éditoriale et la médiation, des activités qui ne sont pas moins nécessaires dans le numérique qu’elles ne l’étaient pour les œuvres sur support, même si leur nature change profondément.
La complexité de ces relations induit des choix difficiles. Qu’attendre de l’édition dans le monde numérique ? Quelles activités faut-il considérer comme un travail professionnel et quelles autres comme le simple exercice d’une activité choisie ? Où commence ce qui peut faire l’objet de transactions marchandes sans casser les bénéfices du libre partage ? Quels sont les droits des lecteurs pour toute œuvre ? Comment articuler la reconnaissance de ce qui a une valeur particulière avec l’attention respectueuse pour tous ?
Les degrés de l’édition
Tout comme il y a un continuum entre la lecture et l’écriture, il en existe un, dans le monde numérique, entre l’auto-publication et l’édition. Pour l’analyser, le mieux est de partir des pratiques. Qu’observe-t-on au-delà des invitations mutuelles ?
- Des projets fédérateurs, par lesquels un(e) auteur(e) invite à contribuer à une œuvre collective (La ville sous nos pas), des projets collectifs comme Général Instin, des résidences d’auteur comme celle d’Anne Savelli qui deviennent occasion d’invitations ou de lectures collectives.
- Des revues en ligne comme remue.net, D’ici Là, nerval.fr, D-fiction, ZéroQuatre, 17 secondes, etc. chacune avec ses modes de sélection et ses approches éditoriales
- Des éditeurs numériques avec une édition dérivée papier comme publie.papier et des éditeurs papier avec une édition dérivée numérique comme Au Diable Vauvert.
- Des libraires et distributeurs numériques comme ePagine, Feedbooks, immateriel.fr, etc.
Cette prolifération d’activités et d’organisations éditoriales répond indiscutablement à des besoins ou en tout cas à des désirs. Et ces désirs, loin de polluer l’écriture numérique, l’enrichissent et la diversifient. La projection de nos textes dans l’espace physique et humain par les lectures ou les performances leur donne corps. Nous n’écrivons pas les mêmes textes pour une revue que pour notre maison numérique, ou tout au moins nous sélectionnons ceux qui passent de l’une à l’autre. Des revues comme D’ici là nous incitent à explorer de nouveaux pans des relations trans-médias ou de l’injection de programmation et d’interaction dans le texte et la lecture. Le lectorat des revues est différent de celui de nos blogs, même s’ils se recoupent. Lorsqu’il faut construire un objet édité comme un livre numérique (ou un texte numérique long sur le Web), tout un travail de re-formation s’effectue, dont nous n’explorons aujourd’hui que les prémisses, mais qui donne vie à une autre lecture que celle rythmée par la chronologie des blogs ou des publications d’articles sur des sites personnels.
Quand est-il pertinent de recourir à des pratiques marchandes pour faire vivre les activités éditoriales ? Une précision d’abord sur la distinction entre pratiques marchandes et économie. Dans des sociétés comme les nôtres, tout est inséré dans un contexte économique. Il faut bien que les aucteurs mangent, s’habillent et logent quelque part, il faut bien qu’ils se dotent d’ordinateurs, de connexions internet, d’hébergement pour avoir une maison numérique, bref il faut qu’ils aient du temps et des lieux où lire où écrire. Tout cela demande des ressources économiques, mais ces ressources ne sont pas forcément, et même pas principalement obtenues par des transactions marchandes comme une vente, un billet d’entrée ou un abonnement. Elles proviennent souvent de la reconnaissance sociale du droit de chacun au temps libre (menacé et bien mal réparti), de subventions ou revenus distributifs, de financements participatifs et peut-être demain de financements mutualisés (contribution créative ou revenu minimal d’existence s’ils sont mis en place), etc. A l’opposé, faire vivre dans la durée un média (même numérique) visant un public large, une activité éditoriale d’ampleur et exigeante sur ses produits, des médiations à grande échelle (fut-ce une simple librairie en ligne avec un moteur de recommandation comme sanapapier.com), suppose des investissements professionnels pour lequel on ne voit pas pourquoi on renoncerait aux ressources des transactions marchandes. Ce n’est pas que celles-ci soient sans défaut, c’est que les autres modes d’allocation de ressources significatives destinées à des organisations n’en sont pas exempts non plus. C’est aussi que bien conçues, les activités de marché sont pleinement compatibles avec le droit des individus à partager entre eux les œuvres numériques. Ce qui est incompatible avec le non marchand, c’est la rente, pas le commerce.
Où tracer les limites et comment le faire sans dogmatisme ? Mon sentiment est que les maisons numériques individuelles et leurs extensions inter-individuelles (comme les vases communicants) ont tout à gagner à rester dans l’univers non marchand. Ce n’est pas qu’il soit scandaleux pour un blogueur de vouloir faire payer un abonnement pour accéder à ses contenus2. C’est que ce n’est sans doute pas pertinent : ce que cela rapportera est le plus souvent inférieur à une demande de soutien par dons et ne compense pas les obstacles, les coûts de transaction du contrôle d’accès ou de l’hésitation à payer, les biais introduits par la recherche de revenus. La maison numérique doit à mon sens rester ouverte à tous ceux qui veulent la visiter, y cueillir ce qu’ils veulent, ce qui n’exclut pas des restrictions sur les usages marchands des contenus, ni bien sûr la protection contre spammeurs et trolls.
A l’opposé, nous voyons bien que Mediapart et Arrêts sur images sont d’importants lieux de production éditoriale et de médiation critique, et que leur modèle économique n’y est pas pour rien. Un éditeur du niveau d’ambition de publie.net ne vivra pas sans générer des revenus, même si ceux-ci ne seront doute jamais suffisants sans des sources auxiliaires de financement (soutiens publics). D’ailleurs la distinction entre transaction marchande et financement participatif d’une organisation s’efface de plus en plus. Dans quelle catégorie ranger un abonnement de soutien ? L’essentiel, c’est l’indépendance des activités éditoriales des intérêts économiques ou politiques, les signaux qu’elles reçoivent d’un public à travers ses choix d’achat. D’où des tensions possibles entre abonnements et ventes individuelles. C’est ainsi que publie.papier devient un complément clé à l’activité d’éditeur numérique, pas seulement parce que papier, mais parce que cela offre aux soutiens la possibilité d’effectuer des achats de reconnaissance ou destinés à des cadeaux d’auteur(e)s et œuvres préféré(e)s. Ce rôle fera peser une grande exigence de qualité sur les objets ainsi produits.
Entre les deux, les revues en ligne se répartiront sans doute à terme entre mécanismes d’abonnements et accès libre financé par des mécanismes participatifs ou publics. C’est très bien ainsi et rien ne serait plus contre-productif que d’organiser des guerres de clocher au sein de notre petit univers au nom de ces choix. Curieusement, ceux qui s’opposent au partage non marchand entre individus des œuvres numériques et ceux de ses promoteurs qui s’opposent au commerce de ces mêmes œuvres sont affectés d’une même illusion économiste : ils croient que le partage d’individus à individus des textes numériques est incompatible avec leur commerce.
La médiation littéraire
Lorsqu’une exigence éthique et littéraire préside aux choix d’éditeurs numériques, la concurrence avec les grands boutiquiers disposant d’accès privilégiés aux vecteurs de l’attention est extrêmement rude. Il existe un grand vide en matière de recommandation / médiation exigeante à destination d’un public plus large, au-delà de la recommandation informelle au sein des communautés d’aucteurs. Aux Etats-Unis, il existe quelques sites de réseaux sociaux de lecture comme Copia ou GoodReads dans lesquelles la littérature d’expérimentation contemporaine n’a qu’une place réduite. En Chine des sites centralisés comme Shengda Literature rassemblent plus d’un million d’auteurs, les gestionnaires du site observant les lectures pour décider d’éditer les ouvrages populaires, mais il s’agit essentiellement de romances ou de fantasy3.
C’est, avec l’infirmité des dispositifs de lecture numérique, le grand obstacle au développement d’une édition numérique de qualité. Alors que l’édition traditionnelle est incapable de faire face à la multiplication des auteurs et œuvres autrement que par le marketing des valeurs (marchandes) sûres, les alternatives ne sont pas attractives ou pas mûres. La médiation algorithmique résultant de l’observation et de l’amplification des tendances observées a son efficace mais manque du parti dans lequel on se reconnaît et auquel on pourra être fidèle au moins un temps. La médiation sociale au sein de communautés peine à passer à l’échelle, tiraillée qu’elle est entre des communautés réduites d’interaction intense et des communautés plus larges mais aussi plus lâches, moins identifiables.
Il faudra donc beaucoup expérimenter, et rien ne vaut pour cela la multiplication d’initiatives artisanales. Il faudra aussi surmonter une contradiction difficile entre l’attention humaine portée à chacun et la nécessité dans les pratiques de médiation de faire des choix d’attention inégalement répartie.
Les technologies d’écriture et de lecture
Enfin, les pratiques éditoriales numériques ont été enfermées dans un gigantesque piège, celui de dispositifs de lecture propriétaires étroitement mimétiques à l’égard du livre. On s’étonnera que je qualifie ces dispositifs d’infirmes, alors qu’ils incorporent des avancées importantes comme l’encre électronique, la liberté de positionnement des écrans et quelques fonctionnalités d’interface. Et pourtant je le maintiens, liseuses et tablettes ne sont rien d’autres que des ordinateurs infirmes et invalidants. Infirmes puisque des éléments clé qui fondent la liberté d’usage des ordinateurs en ont été volontairement supprimés, et en particulier que l’on a cassé le croisement intime entre écriture et lecture qui est possible sur les ordinateurs. Mais surtout invalidants puisqu’ils privent tout un chacun de la liberté de participer à l’innovation de fond sur les formes du texte, de la lecture et de l’écriture.
Les fabricants de ces dispositifs contrôlent bien plus de la moitié des marchés correspondants. Que l’on s’appelle publie.net, D’ici là ou co-ment (l’outil logiciel libre d’annotation en ligne que ma société développe), on se retrouve face à des choix impossibles entre le suicide économique et la perte de contrôle sur l’essentiel, c’est à dire le futur des outils, des formes et des pratiques.
Il y a des voies libres pour naviguer entre ces récifs. Ne jamais lâcher l’espace du Web ouvert comme lieu de création des formes, des interactions entre aucteurs, des pratiques d’écriture et de lecture. Saisir toutes les opportunités de formats ou d’appareils ouverts. Rejeter systématique les DRMs. Privilégier les services décentralisés ou à centralisation partielle chez des acteurs de confiance. Boycotter ceux qui exagèrent le plus. Et débattre avec respect au sein des communautés d’aucteurs de tout, les modèles de financement, les droits des lecteurs, les pratiques sociales.
- Production dans une communauté ouverte de pairs fonctionnant sur la base du libre partage. [↩]
- Le cas du site Tiers Livre de François Bon est particulier, car il joue de multiples fonctions entre l’arbre de son auteur et le centre de ressources pour une communauté importante. Sans doute en a-t-il lui-même l’intuition puisqu’il envisageait récemment d’ouvrir un blog personnel pour son expression littéraire propre. [↩]
- Disclaimer: je n’ai rien contre ces genres. [↩]
très sensible à la pertinence et la force de synthèse de cette analyse, Philippe, presque son exhaustivité,même si j’y vois encore mieux les raisons qui me font m’éloigner de tout cela, au bout de ces 5 ans, et même si profondément heureux que relais se construise
Merci, et très touché. Tu ne seras pas loin.
LA POÉSIE N’A PAS DE PRIX
En ce monde étiré, parcouru en tous sens, volubile et affairiste,
la poésie survit,
langue de sable, déploration surannée, etc.
Gaston Puel
I
La poésie n’a pas de prix
Elle se donne pour rien
hors des marchands
des cuistres et des théoriciens
qui se font mousser
avec les mots des insurgés
II
La poésie n’a pas de prix
C’est un peu d’air qui est passé
sur cette colline sur cette rue
ce ru de figures invisibles
qui bouillonnent
moitié pierre
moitié écume
III
La poésie n’a pas de prix
Trésor caché des nuits
Elle lève ses barricades mystérieuses
au carrefour des rêves
et des réalités
IV
La poésie n’a pas de prix
inadaptée à ses marchés
où ceux qui inscrivent « poète »
sur leur carte d’identité plastifiée
troquent l’or du temps
pour leur petite monnaie de signes
V
Innocente dérangeante pauvre et sans prix
Poésie n’est pas un nom facile à porter
Elle est pourtant – toujours – l’humaine mesure
Un cami compartit Un chemin partagé
Qui relie maille après maille ses lecteurs dispersés
Joie et douleur mêlées dans un simple poème
Qui ne fait que passer
J’apprécie la forme de votre commentaire, mais je maintiens qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre une poésie « qui se donne pour rien » et se partage de mếme, et des livres de poèmes qui se vendent, par exemple, et que donc « hors des marchands » est excessif. Que la poésie n’ait pas de prix empêche-t-il que La Lune Bleue publie et vende ses petits livres illustrés ? Pour les cuistres et les théoriciens, je préfère me taire.
suivi avec attention, en accord et avec admiration pour la clarté
Et grand plaisir, adhésion pour les dernières lignes (d’une qui n’est que lectrice)
une lectrice qu’on lit souvent et une médiation à soi toute seule.
bien d’accord mais je crois qu’il suffira qu’un ou deux géants s’y collent et en quelques années l' »édition Papier » ressemblera aux éditeurs de disques vinyles d’aujourd’hui.
Rendez vous sur les tablettes à moins de 10 ans. Dans les mêmes conditions qu’actuellement, voire pire… Pour les auteurs, pour les petits éditeurs et pour les groupes de distribution.
[…] numérique littéraire, un article publié vendredi dernier par Philippe Algrain sur son Atelier de bricolage littéraire. Cette contribution m’a beaucoup intéressé, surtout là où Philippe Algrain souligne […]
[…] A lire et à consulter ailleurs : Quelques pensées sur le futur de l’édition numérique littéraire”, par Philippe Aigrain (Atelier de bricolage littéraire) […]
Tant qu’il restera une clé à molette (ou à idées ?) pas loin… visser ou dévisser les mots restera un plaisir.
Merci pour cette analyse.
Merci pour cette synthèse. C’est le conflit majeur pour l’auteur que je suis. Comment concilier le plaisir avec la nécessité de gagner sa vie. Comment l’auteur peut générer un salaire dans un système d’un côté de gratuité, de l’autre de marchand ? Je navique entre les deux en bricolant 😉 La création et ses possibilités est aussi dans le système marchand. Bonne continuation.
Merci pour vos encouragements. Cela débordait du sujet de ce billet, mais la plus grande part de mes travaux sur le financement de la création porte sur les mécanismes qui peuvent apporter des ressources aux activités non marchandes au-delà des seuls revenus marchands dérivés. Il s’agit de différentes formes de mutualisation des conditions d’existence des pratiques créatives, dont certaines sont en place à travers les financements participatifs (à base de donations, hors co-investissement) et d’autre demanderaient l’organisation de cette mutualisaiton à l’échelle de la société. Voir mon livre Sharing: Culture and the Economy in the Internet Age, hélàs pas encore traduit en français.
je vois que cette discussion pourtant passionnante car pointant une problématique essentielle n’a pas rencontré son public et ses participants… Et n’est -ce pas là un signe que nous sommes dans une impasse structurelle entre création gratuite et création avec espoir de commercialisation. Et que le passage de l’une à l’autre ne dépend pas de l’auteur ou aucteur si vous voulez.. mais du ( non DES) lecteur.? rencontrer son public comme on dit, et la question ne se pose plus.
Alors pourquoi ne pas sortir de cette problématique. Ecrire « gratuitement », essayer d’être lu par suffisamment de monde pour en avoir un retour ( de lecteurs, pas financier), et si le succès vient, le commerce viendra avec… je dis tout cela de façon bien moins théorique et subtile que vous, philippe, mais malgré tout j’ai l’impression que c’est toujours de cela dont il s’agit au fond. Les humoristes sur internet commencent à faire des vidéos dans leur chambre.. tout le monde ne devient pas ( sans aucun jugement je constate le fait c’est tout) Norman fait des Vidéos et sort d’internet pour entrer dans d’autres lucarne ( avec plus ou moins de bonheur d’ailleurs) … Seul le buzz décide… est-ce si différent pour l’édition?
Merci beaucoup de ce commentaire. Oui bien sûr, tous ceux et celles qui s’investissent dans le monde numérique sans y amener trop d’illusions de grandeur écrivent d’abord gratuitement, et dans la plupart des cas, ils obtiennent des retours de lecteurs qui les aident à progresser ou simplement continuer, ou parfois se retirer puis revenir. Cette émancipation de la création non marchande et la qualité des relations sociales qui s’y nouent nous apportent beaucoup. L’entrée dans cette pratique et sa continuité sont très inégalement accessibles, et une libération du temps libre ainsi que de moindres inégalités feraient beaucoup pour que beaucoup d’autres puissent partager cette chance avec nous.
Mais à mon sens il y a un autre problème. En l’absence de médiations critiques attentives au numérique, cette interaction reste confinée à un cercle assez réduit. Je ne crois pas que le buzz puisse être le seul modèle : le buzz c’est beaucoup ou très peu, et cela s’applique assez mal aux productions qui demandent un investissement au lecteur ou récepteur. De ce point de vue, ce que je recherche ce sont les mécanismes intermédiaires entre la micro-communauté et le buzz. C’est un « porter à l’attention » d’un peu plus de monde qui donne une chance à des œuvres ou des pratiques.
Bien à vous,
Philippe
l’édition numérique , portée par de gros « porteurs » comme Amazone, ( ou d’autres plate-formes déjà fréquentée par les lecteurs ,) n’est -ce- pas alors la solution? …. Je n’en connais pas les modalités ( financières…) mais il semble ne pas y avoir de tri sélectif…. et on peut ainsi être « porté à l’attention » dun grand nombre de « voyageurs » ce qui signifie également qu’on peut être enfoui sous la masse des producteurs d’écrits ainsi auto-édités…
( désolée pour ce temps à répondre ,mais je n’ai pas reçu d’alerte mail indiquant un fil de conversation et à défaut les voies du numérique sont si nombreuses, enchevêtrées et chronophages… )