Post-scriptum aux versées

jeudi 17 octobre 2013 § 1 commentaire

Du samedi 1er juin 2013 à aujourd’hui, mon moi numérique (celui qui dit je ici) habitait les prépositions. Auparavant, j’avais tâtonné au pays des adverbes et conjonctions (cf. et quand). Dès le 18 avril, je m’étais arrêté sur ce qui est devenu la forme dominante des versées : un poème de 10 vers (rarement 11 ou 9) dont les 8 premiers se terminent par la préposition choisie, le neuvième est libre et le dixième est composé de ce seul mot. Quatre versées utilisent une forme préfixe (8 ou 9 vers commençant par la préposition) au lieu de cette forme suffixe et deux (Parmi et À) une forme où la préposition est en seconde position. Au total j’ai écrit 32 versées dont deux sur « Jusque », Bernard Noêl m’a fait le cadeau d’une 33ème sur Malgré. 30 prépositions ont donc subi le traitement des versées. Je me suis réservé Pour… pour un usage privé. Parmi les 37 propositions d’usage courant, Chez, Concernant, Envers, Moyennant, Par et Via attendent toujours leur verseur ou verseuse. Je suis partagé aujourd’hui entre le sentiment d’être arrivé au bout de quelque chose et une nette inquiétude devant le vide qui en résulte.

Quelques mots sur, je ne dirais pas la méthode, mais le processus suivi. Pendant ces mois, à chaque fois, je commençais par m’imprégner de l’article du Trésor de la langue française consacré à une préposition, essentiellement pour bien séparer les usages du mot en tant que préposition de ses autres acceptions. Les mots prépositions ont presque toutes plusieurs identités grammaticales, ainsi suivant est un participe présent, un nom, un adjectif et une préposition. L’idée est que s’il y a ambiguïté, elle laisse toujours ouverte l’hypothèse de la préposition. Puis, j’installais le vide en moi, une sorte d’inhibition de la pensée, pour laisser advenir ou survenir un enchaînement de quelques mots. Cela prenait parfois 48h (heureusement on peut faire autre chose pendant ce temps), plus souvent quelques heures, rarement quelques instants. Ensuite, le poème s’agençait très rapidement dans l’écriture, toujours en ligne. Enfin, cela me paraissait un micro-instant, mais la sauvegarde de versions affirme que j’y passais bien une demi-heure. Après, c’était la transpiration que connaissent ceux qui poétisent laborieusement. Un temps d’élimination de ce qui fait sens non désiré ou assonance non volontaire, de ré-agencement, d’attente de pouvoir lire à haute voix, parfois de mise au rebut. J’ai lu que certains ne retouchent jamais un poème. Moi, j’ai l’impression que je pourrais ne jamais finir de le retoucher. Mais à un moment, le poème me dit : laisse-moi tranquille.

§ une réponse à Post-scriptum aux versées

  • Merci Philippe. Je me reconnais dans ta « méthode », mais va savoir pourquoi, je saute des étapes, comme si une urgence m’empêchait toujours de décomposer et d’avancer pas à pas. Ce texte sur les prépositions que je viens de lire, où la rencontre d’hier (tenons et mortaises), me permettent de continuer de cheminer en ralentissant, en prenant confiance dans un labeur lent et quotidien malgré

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