La jeunèse

vendredi 18 octobre 2013 Commentaires fermés sur La jeunèse

Ceci est le quinzième texte de la série Vacance. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.


Ils s’appelaient eux-mêmes les à rien voir venir. Les préposés à l’état des choses leur avaient promis la priorité des priorités. Déjà à l’époque, certains avaient noté qu’ils parlaient de les occuper, d’en financer certains, mais pas de les aider à vivre leur vie. Encore moins de reconnaître ce qu’ils étaient. A force de ne rien voir venir, ils avaient commencé à se regarder les uns les autres. Ils s’étaient trouvés plutôt beaux, sympathiquement métissés, pauvres et consommateurs cependant, dénigrés et pourtant enviés. Ils étaient soudain pris de fulgurances imprévisibles. Au début, tous affirmaient ne croire à rien. En cachette, entre coups dans le dos et étreintes maladroites, ils s’avouaient parfois pleins d’espoir, mais pour des choses qui n’avaient pas de nom.

Les préposés à l’état des choses s’en étaient pris à deux d’entre eux. Oh, nulle hostilité particulière, juste le déroulement mécanique de machines à broyer mises en mouvement par des cyniques conseillés par des sondeurs d’opinions. Contre, ils étaient 500 le premier jour, quelques milliers le second. Le troisième, des plus âgés espéraient accrocher leurs wagons à ces jeunes locomotives. Mais déjà la veille, les manifestants avaient rejeté les militants, ceux dont on sent qu’ils seront demain préposés à. Alors, il firent manifestation buissonnière. Les caméras de télévision les attendirent en vain alors qu’ils défilaient ailleurs. Obtiendraient-ils le retour des arrachés ? Ceux d’ici étaient aussi comme dans un autre pays, dégoûtés du nôtre. Peut-être en garderaient-ils tout de même des mots, comme y invite Kate Tempest, des mots comme ceux-ci : Quand on voit ça, « on sait que l’enfer est vide, les diables sont tous ici. »

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