Murs – Daniel Bourrion

vendredi 1 novembre 2013 Commentaires fermés sur Murs – Daniel Bourrion

Murés

De temps à autre, certains décidaient de se laisser emmurer dans les cellules dont ils avaient fini par ne plus sortir que pour quelques dédicaces dont personne ne comprenait plus depuis longtemps à quoi elles servaient.

La cérémonie était courte et sans fioritures : le plus âgé de ceux qui resteraient à l’extérieur prononçait quelques mots, lisait parfois une ou deux lignes remarquables de l’écrivain qui allait se soustraire aux regards du monde puis tous alignés en file indienne venaient un à un lui serrer la main avant de se retirer — aucun ne restait jamais lorsque le maçon intervenait, et le dernier regard posé sur l’emmuré sans qu’aucune interface technologique ne s’interpose était donc toujours celui de l’ouvrier responsable de cette tâche.

Par ailleurs, la fenêtre donnant comme toutes les autres sur le jardin avait été murée de même dès l’aube, seul y subsistant une fente minuscule par où passeraient les aliments et autres nécessaires objets forcément limités du fait de l’étroitesse des cellules et de la vie qui s’y déroulerait maintenant.

La connexion au net était cependant maintenue : l’enfermé ne l’était donc que relativement et symboliquement, et il s’avéra avec le temps, la répétition de ces actes au départ qualifiés de désespérés, qu’on n’écrivait jamais mieux que physiquement soustrait au monde comme à ses distractions illimités.

Il était évidemment impossible de revenir en arrière, l’emmurement étant définitif. Quand toute vie cessait dans la cellule, on coupait simplement la connexion puis l’électricité, on refermait le passage étroit après un dernier rituel appel resté sans nulle réponse, on laissait là, tel que, l’empilement de briques rouges, les murs ne bronchant pas. Un mausolée de plus, simplement, s’alignait auprès des autres dans l’impassible silence des pavés arrondis.

Texte : Daniel Bourrion
Photo : Philippe Aigrain


Daniel, je ne l’ai vu qu’une fois, au Centre Cerise pour une soirée remue.net et au café avant, mais c’est un copain numérique, un vrai. J’adore ses justes colères sans méchanceté. D’ailleurs on s’est même mis en colère ensemble. Et puis j’aime aussi quand il nous fait partager l’expérience des mises à jour de sites qui cassent tout mais ce n’est pas grave. J’aime surtout ce qu’il écrit sur Face Ecran (avec sa merveilleuse devise), ces petits textes décapants sans ponctuation mais rythmés, ses séries. Une fois, j’ai même voulu l’imiter. Mais pour les vases communicants, ce n’est pas l’idée. On est chacun parti d’une photo choisie parmi quatre que l’autre lui avait envoyées. D’une photo dont je ne savais même pas trop pourquoi je l’avais prise, Daniel a fait un texte que je suis fier et heureux d’héberger. Mon texte « Créature » est chez lui

Comme chaque mois, grâce au généreux travail de Brigitte Célérier, vous avez accès à la liste des vases communicants.

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