Madeleine a cent ans * Elle est née en novembre 1913 en même temps que la madeleine de Proust sa contemporaine Les deux sont bien vivantes * Madeleine a regretté que la madeleine de Proust ne soit pas une belle enfant mais la belle enfant de Proust s'appelait Gilberte * Quand Madeleine eut huit mois la guerre requit son père Il ne revint que 5 ans plus tard la photo est pour lui dans sa captivité * Le visage de Madeleine ces jours ci est beau comme celui de la photo rond et plein de sa force * aller ou retour Madeleine a du faire dix mille fois le trajet de Porte ou Mairie des Lilas à Saint-Lazare par Gambetta ou Arts et Métiers * Dans la gare aujourd'hui aseptisée elle vendait au sous-sol maroquinerie et parapluies Trente-sept ans ont passé depuis sa retraite * Aujourd'hui elle lit des audiolivres La fontainière du roi de Jean Diwo La rivière espérance de Christian Signol histoires de gens de peu dont le destin croise des puissants * Elle s'est aussi plongée dans La touche étoile de Benoîte Groult où Moïra la destinée distribue à chacun un lot de bonheur et de malheur * Elle s'intéresse à tout s'en souvient pareillement et son appétit mord déjà un nouveau siècle à belles dents
Madeleine vous avez cent ans
Madeleine, madeleine, vous avez cent ans, c’est la première fois que j’ai, que nous avons l’occasion de fêter une centenaire. Pourquoi est-ce si émouvant de fêter une vie de cent ans, une si longue vie ? C’est tout simple, parce que 100 ans c’est 10 fois 10 ans, et 10 fois 10 ans c’est marrant. Mais c’est aussi 99 longues années, plus une toute petite année. Rien quoi ! De façon plus surprenante, intéressante c’est également un tout petit an plus 99 longues années, et ça c’est formidable !
C’est aussi 4 fois 25 ans, 4 fois une génération, une génération de bons petits gars, de bonnes petites bonnes-femmes. C’est délicieux !
Parce que 100 ans de longue et belle vie, ça nous dit que la vie est longue et belle et ça c’est essentiel pour nous donner envie, l’envie de vieillir.
Madeleine, madeleine sachez, soyez convaincue que vous êtes utile, vous êtes utile à tous, je dirais même que vous nous êtes indispensable. Aussi, vous n’avez guère le choix, il vous faut vieillir encore et encore, pour ceux qui s’occupent de vous, pour nous aussi, nous qui vous voyons bien moins souvent. Parce que ces montagnes sont à vous aussi, parce que sans que vous le sachiez, sans vous, aujourd’hui, elles n’auraient aucun sens, aucunes bonnes raisons d’être là ces montagnes.
Aussi, cela va vous paraître bizarre, rigolo, incongru, mais je vous remercie, oui je vous remercie, je vous remercie d’avoir vécu, d’avoir vécu jusqu’à maintenant, d’avoir vécu si longtemps. Oh je sais, cela n’a pas été toujours rose, c’est pas toujours facile, c’est pas toujours sans mal, parfois douloureux. Mais c’est aussi bien agréable parfois, n’est-ce pas ? Et c’est pour cela, pour tout cela, que je vous remercie.
Si dieu existe, ce dont je doute fortement, pour sûr, il est aux anges. Mais quoiqu’il en soit, aujourd’hui, je suis et j’espère que vous y êtes, aux anges !
nens