Sécessions

lundi 17 février 2014 § 2 commentaires

Ceci est le dix-huitième texte de la série Vacance. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint1.


L’histoire des sécessions est déjà longue. Il y eut la guerre de Sécession américaine ou les slogans Secede! sur les plaques d’immatriculation du Texas. Côté artistique, la sécession de Berlin et celle de Vienne. Maintenant on fait des sécessions douces, par morceaux, à la carte. Une petite défection dans l’usage du temps, une impasse sur les moyens de transport, un boycott de certains magasins, un évitement de certains médias, des fêtes qu’on ne fête plus et d’autres qu’on invente, des prêts à taux zéro et de l’hébergement à titre gratuit, du jardin potager et de l’échange de services, du potlatch festif et de la publication non marchande, des outils partagés et des confitures, des philosophies patientes et du bricolage improvisé, des paresses lascives et des excès de zèle ludiques. Chacun n’en pratique que quelques unes, et certains sont mieux placés pour chacune.

A elles toutes, elles dégonflent la fausse valeur, elles sont comme des clous plantés dans le pneu du chariot fou, des épingles lilliputiennes dans la peau des géants, de minuscules Bartleby sapant l’obéissance. A elles toutes, elles minent le grand corps épuisé de la croissance sans fin. Alors pour soigner la libido déprimée de notre moi consommant, il faut un supplément de femmes dénudées vantant des voitures, d’hommes à la sueur déodorée, une dose de plus d’obsolescence programmée et quelques adultères de nos roitelets. Mais cela n’y fait rien, c’est la crise. Et la faute à qui ? A tous ces mauvais citoyens, ces saboteurs de l’économie, ces inutiles de la production qui ne font même plus leur travail pour l’absorber au bout de la chaîne.

Le tout c’est de les maintenir séparés, chacun dans son petit territoire sécédé. Parce qu’autrement, s’ils avisent de faire sécession ensemble, les tuyaux distendus de leur mise en perfusion vont se rompre. Si cela arrive, il va falloir les mettre au pas. Et vous ne voudriez tout de même pas qu’on en arrive là.

  1. Merci aux amis de l’Université Populaire du 18ème pour l’inspiration de celui-ci. []

§ 2 réponses à Sécessions"

  • Brigetoun dit :

    et nous resterons ce que Lordon dans http://blog.mondediplo.net/2014-02-07-Les-evitements-visibles-du-Parlement-des (pardon, je venais juste de finir de le lire en découvrant le potlach festif, les prêts à taux zéro et les confitures) appelle la gauche pleurnicheuse

    ceci dit c’est pas mal l’échange de confitures ou les philosophies patientes, il ne faut pas s’en priver, simplement je ne devrais pas en rester là (d’autant que suis incapable de faire des confitures)

    pardon… j’ai un rien squatté

  • philippe dit :

    Chère Brigitte, squattez tant que voulez, merci de Lordon, mon aiguillon préféré. Confiture vous attend si passez par Paris, et nous fédérerons nos impatiences sans pleurnicher.

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