Début d’automne

vendredi 5 octobre 2012 Commentaires fermés sur Début d’automne

C’est Elizabeth Legros-Chapuis (aka @elizaleg) qui bricole ici pour ces vases communicants. Nous sommes tous deux de récents pratiquants des vases communicants. Elizabeth a écrit ici un texte dont je la remercie et qui trouve je crois un écho dans celui que j’ai écrit pour son nouveau blog Fragmentaire. Grâce au travail de Brigitte Célérier, vous pouvez accéder à la liste de tous les vases communicants de ce mois.


Début d’automne

photo Elizabeth Legros-Chapuis

J’ai écarté résolument la tenture et je suis entrée dans le tableau. L’appel de cette rangée de livres, presque tous jaunes (sauf ici et là un rouge sombre, un bleu, deux verts), était irrésistible. Quelle main attentive avait disposé, devant la bibliothèque ouverte, cette toile rayée en travers et ce bouquet rustique : un pot d’un jaune beurre frais, assez grossièrement façonné, estampé de rosaces brunes, contenant des fleurs orange et rouge, des soucis bien touffus et des roses sauvages dont l’une, un peu fanée sans doute, laissait pendre sa tête ? On savait probablement que le regard du lecteur, au bout de quelques chapitres, irait se reposer sur le flanc rebondi de la cruche, sur la vigueur des autres corolles.

Sept mensonges n’ont pas suffi à dissiper les doutes accumulés sur ma tête comme autant de nuages ardoise chargés d’orages. Leur souffle délétère pesait encore sur la jetée lorsque nous sommes arrivés près du phare. Deux chiens se poursuivaient sur le sable gris en jappant aigrement comme des mouettes. La mer revenait sans cesse apporter son regret argenté à nos pieds. Il était évident qu’on ne s’en sortirait jamais, l’histoire de l’épagneul l’avait bien démontré. Tout ce qu’on pouvait essayer de faire, c’était de rendre les asphodèles plus supportables. Tu as soupiré devant l’effort à renouveler.

Il serait tellement plus facile de retourner dans le tableau, de feuilleter l’un de ces livres jaunes, probablement un roman des années 1920 racontant les aventures un peu osées d’une jeune femme qui vient, pour la première fois, de se faire couper les cheveux. De temps en temps, regarder par la fenêtre, repérer la course nonchalante du soleil, souffler sur les nuages pour les faire avancer plus vite. Puis tomber dans la nuit comme si le pied nous avait soudain manqué.

texte et photo d’Elizabeth Legros-Chapuis

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