rouge matinal sur la mer du ciel des nuées la vague coulant sur la grève
127. Vague
mercredi 4 décembre 2019 § Commentaires fermés sur 127. Vague § permalink
Naissance de la parole
mercredi 6 novembre 2019 § Commentaires fermés sur Naissance de la parole § permalink
quatre mois et un jour
retrouve sa maison
C’est elle qui parle d’abord
puis sa mère questionne
sa joie du retour
des jouets retrouvés
du voyage
Quatre phrases d’elle1
plus loin sa soeur
parle à son père
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- Les questions de la mère ont été supprimées de l’enregistrement. [↩]
Croire aux fauves – Nastassja Martin
dimanche 3 novembre 2019 § Commentaires fermés sur Croire aux fauves – Nastassja Martin § permalink
Je chronique à nouveau un livre de Nastassja Martin ici. Deux raisons pour cette réitération : bien sûr le fait que ces deux livres comptent particulièrement pour moi, mais aussi le sentiment que cette seconde note de lecture est une sorte de continuation de la première, et l’occasion de mieux exprimer ce qui m’importe dans le traitement littéraire des relations entre humains et animaux ou plus généralement avec des entités que nous pouvons reconnaître comme des sortes de personnes.
Dans la première note, portant sur le livre issu de la thèse d’anthropologie de Nastassja Martin, j’écrivais ceci :
…j’ai lu tout le livre comme un texte littéraire, même les parties où elle décortique de la façon la plus méthodique possible ce qu’elle observe. Et ce ne fut pas en vain, car ils sont nombreux les passages où, au détour d’une phrase, elle montre ce qu’elle pourrait faire dans ce registre…
C’est dire le bonheur que j’ai eu à découvrir en Croire aux Fauves la preuve qu’elle avait suivi ce chemin que sans doute elle avait déjà l’intention de parcourir. Mais Croire aux fauves n’est pas un roman, c’est un récit, et le récit d’une rencontre violente avec une personne-ours, des séquelles de cette violence (l’ours n’en est pas sorti indemne non plus), de ce qu’elle a dû traverser pour renaître comme une autre personne et pourtant la même. Pourtant la même parce que dans les mots des Évènes du Kamtchatka, elle était déjà mathukha (ourse humaine) et qu’après la rencontre elle va devenir miedka (moitié-moitié femme et ourse). J’écris dans le train de retour des Pyrénées, terre d’adoption, où les rencontres entre ours, brebis et bergers se font sous le signe d’une autre violence. Ces derniers temps, certains ours sont saisis d’une fureur qui paraît folle, ils tuent les brebis en masse, directement ou en les poursuivant jusqu’à ce qu’elles sautent des barres rocheuses, ils défigurent les vaches en les griffant sauvagement. Ces ours ont subi eux-mêmes une violence que les commentateurs négligent, celle d’avoir été transplantés de Slovénie dans les Pyrénées. Les bergers espagnols disent que les Slovènes ont envoyé en France des ours violents, semblables au lion qui tue trop de vaches et qu’il faut chasser dans La chasse au lion à l’arc de Jean Rouch. Mais je pencherais plutôt pour le traumatisme de la transplantation, de la perte du territoire, d’ailleurs ils parcourent dans les Pyrénées des distances très inhabituelles et erratiques.
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Jam session à Anglesey abbey
dimanche 22 septembre 2019 § Commentaires fermés sur Jam session à Anglesey abbey § permalink
l’été prolongé
d’un jour en automne
autour les sous-bois
jonchés de cyclamens
sur le gazon
allongée près de son père
paupières fermées
soleil dans les yeux
onze semaines
elle aussi se mêle
aux conversations
à côté sa mère et une amie
chantent avec grande sœur
et l’autre enfante
difficile de suivre le rythme
mais elle y parvient
applaudissements
puis again
et démarre aussitôt
126. Arachnes
lundi 22 juillet 2019 § Commentaires fermés sur 126. Arachnes § permalink
gouttes de rosée sur toiles d'arachnes comme les insectes ma pensée piégée
Lecture
lundi 22 juillet 2019 § Commentaires fermés sur Lecture § permalink
la petite sœur a une semaine
la grande – 31 mois
lui lit un livre
pas choisi par hasard
Pip and Posy : The new friend 1
Elle tourne les pages
pour se souvenir
de l’histoire
qu’elle résume
en désordre
Posy likes Pip
does not like Zac
… at start but after2
Pozac (poor Zac) Pozac3
la petite écoute
en agitant les bras
signe d’intérêt préhensile
puis profite de silences
pour glisser ses sons
à elle dans la lecture
Mais quelle histoire
raconte-t-elle ?
- Axel Scheffter, Pip and Posy: The New friend, Nosy Crow. [↩]
- Là, c’est moi qui résume. [↩]
- Une mouette lui vole son goûter et il se révèle digne d’intérêt. [↩]
Nommer
jeudi 4 juillet 2019 § Commentaires fermés sur Nommer § permalink
quatre heures du matin
dans le nord d’ici
déjà la lumière du jour
il n’y a pas de rideaux
on a pris le babyphone
pour que les parents dorment
et dans le silence
juste un mot
ni crié ni murmuré
rien que dit
Chloé
le nom
de sa petite sœur
née il y a deux jours
répondant peut-être à
un pleur ou une première voyelle
en la nommant
elle la fait exister
pas de toutes pièces
d’une qui vient d’elle
petit morceau rajouté
au grand puzzle d’un être
125. Sombré
vendredi 21 juin 2019 § Commentaires fermés sur 125. Sombré § permalink
Les narrantes
mercredi 29 mai 2019 § Commentaires fermés sur Les narrantes § permalink
Ceci est le quarante-deuxième texte de la série Néotopies. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.
Nous ne savons quoi faire de cet homo narrans devenu peu à peu homo publicans. Shahryar s’affole, tout à coup mille et une Shéhérazade se présentent à lui.
Lionel Ruffel, Trompe-la-mort, Verdier, 2019
L’information clé est la surrection d’un mouvement furtif dans la cité et plus généralement l’alterville. Avec pour mots d’ordre la fuite, l’invisibilité, l’intraçabilité, le brouillage, le flou.
Alain Damasio, Les furtifs, La Volte, 2019.
C’est une histoire de récits. Pas de romans nationaux. Ni des grands récits des avenirs radieux. Encore moins du story-telling de communicants. Pas même de ce que les anglophones appellent des narratives en se lamentant qu’on ne sache plus en produire qui soulèveraient les foules. Non, plutôt des récits semblables par leur multiplicité aux narrats post-exotiques, parce qu’ils permettent de continuer à vivre dans des temps et des lieux invivables, mais différents, parce qu’ils font vivre des agrégats, comme des organismes mono-cellulaires dont l’assemblage dessinerait des possibles devenirs sociaux.
Dans les ruines de l’université, il en était un qui s’intéressait depuis longtemps aux narrations, multiples par le nombre de récits mais aussi de celles qui les racontent, narrations qui trompent la mort ou rouvrent la vie après elle, comme les Mille et une nuits et le Décaméron. Il se demandait quels récits contemporains auraient la force dans des temps mortifères d’ouvrir des chemins qui valent. Il pensa les trouver dans certains projets d’écriture collective, plus ou moins anonymes, qui avaient suscité l’ire de politiques en quête d’ennemis intérieurs pour compléter l’invocation du risque terroriste et des submersions migratoires. Leur pitoyable échec à transformer les œuvres textuelles en preuves de méfaits matériels nous avaient il est vrai bien fait rire, même si leur obstination augurait mal des lendemains. En prime, la contestation – toute relative – de la position d’auteur dans ces textes avait de quoi séduire le narratologue. Ces textes, cependant, souffraient d’une étrange habitude, loin enracinée, qui consiste à ne s’enthousiasmer que pour une population indéterminée, supposée réunie dans des territoires temporairement libérés, chaque individu considéré en particulier trouvant peu de grâce à leurs yeux surtout s’il se mêle de penser un peu différemment. Même si on se réjouissait des déconvenues des croque-morts, il y avait finalement un risque à les laisser désigner en les stigmatisant les récits qui nous rouvriraient la vie. Un autre narrateur, issu d’une frange considérée comme marginale, avait longtemps mûri un narrat nettement plus inclusif, où des constructeurs de cabanes, des hackers voisinaient avec des proferrants (faisant cours au hasard des lieux délaissés), des constructeurs d’armes neutralisant celles qu’on dit non létales, des philologues, des permacultivateurs et des écholologues1. Il n’est pas sûr que les narrantes en aient eu connaissance.
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- J’utilise ce terme, dû à @echolology, en référence aux activités d’analyse et de production sonores d’un des personnages des Furtifs. [↩]
Les désidérants
dimanche 28 avril 2019 § Commentaires fermés sur Les désidérants § permalink
Ceci est le quarante-et-unième texte de la série Néotopies. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.
vengono pensieri di futuro, l’anziano dice che è la libertà
viennent des pensées de futurs, l’ancien dit que c’est la liberté
Erri di Luca, Aller simple, NRF Gallimard bilingue, trad. Danièle Valin
La sidération est l’arme des pouvoirs faibles et brutaux. Il y a plusieurs variétés de sidération. 15 ans auparavant un président avait théorisé la méthode d’une sidération par jour. Et je te sidère les chercheurs un jour, les roms le lendemain, les grenoblois le surlendemain. La méthode était un peu voyante, et le président suivant, son successeur et leur cohorte de ministres et conseillers avaient choisi la sidération opportuniste, saisissant les événements propices, chaque attentat, fait divers, prétendue submersion par des vagues de migrants ou catastrophe naturelle créant avec l’aide des chaînes d’information continue et des intermédiaires numériques un moment d’ataxie (incohérence de l’esprit, désordre des mouvements de l’âme1) propice à faire passer deux ou trois lois ou circulaires préparées de longue date. Comme tout ça ne passait tout de même pas inaperçu, il avait fallu matraquer solidement les récalcitrants, puis les mutiler franchement. Pendant ce temps, les vraies catastrophes, sociales, écologiques ou personnelles étaient remisées au magasin des temps futurs, vous ne voyez pas qu’il y a urgence de les ignorer. Bien sûr, il y en avait qui avaient commencé à s’agglutiner et s’émulsionner ferme, mais tout de même la sidération ne cessait de redonner un peu de vigueur aux pouvoirs naufragés, semblant défaire en vingt-quatre heures ce que les néotopies avaient patiemment édifié des mois ou des années durant.
C’est dire qu’il y avait besoin d’un antidote. Une dont les écrits résonnaient bellement avec les frémissements du temps avait suggéré que la considération pourrait jouer ce rôle, et bien sûr il en fallait. C’est cependant autour d’un autre dérivé du mot que s’est construite la réponse. En italien, desiderare, c’est désirer, façon je te désire grave mais aussi, comme en latin, aspirer à, regretter l’absence de. On reviendra au désir plus tard. Les désidérants n’ont pas choisi la facilité. Pour leur première action à grande échelle, ils ont entrepris de désidérer les masses stupéfiées par l’incendie d’un monument qui combinait d’être le siège d’une version particulièrement réactionnaire du catholicisme, d’avoir souvent servi à des chefs d’état à asseoir leur pouvoir à l’ombre du Dieu localement dominant, d’être pour tout un chacun, habitant ou touriste, un repère fondamental d’un paysage urbain sans pareil, et d’avoir donné lieu à des affrontements doctrinaux sur la restauration du patrimoine, ce dernier point n’ayant joué qu’un rôle mineur dans la sidération. Quelques minutes après que l’information est relayée sur internet, des milliers de personnes commencent à envahir les points de vue sur l’incendie, ils furent sans doute des dizaines de milliers dans la soirée et des millions à regarder des images de l’incendie en boucle. Trois attitudes dominaient chez les spectateurs directs, ou plutôt proches, car ils passaient une bonne partie du temps à regarder leurs smartphones : le silence très majoritaire, les spéculations et les pronostics. Le silence est rarement bavard, mais on lisait dans les regards un mélange confus d’effarement attristé, de fascination coupable et d’excitation d’assister à un tel événement. Les spéculations émanaient d’un petit nombre de sidérateurs qui manifestaient, en prétendant espérer que ce ne soit pas un acte terroriste, leur adhésion à une vision guerrière du monde et des religions. Les pronostics restaient prudents, formulés en questions plus qu’en affirmations. Le sidérateur national, très temporairement soulagé d’une pénible soirée où il devait faire passer des vessies pour des lanternes, annonça penser aux français et aux catholiques avant que ses conseillers lui demandent de rectifier le tir. Mais la machine à sidérer était en marche et dès le lendemain les cérémonies nationales se multipliaient, les obligés usuellement pingres finançaient par centaines de millions d’euros des projets encore à définir, des communautés territoriales incapables d’entretenir leurs immeubles votaient des financements mirifiques pour un monument à des centaines de kilomètres de leur territoire et un général était chargé de botter le cul de ceux qui renâcleraient à exécuter le plan de cinq ans ou oseraient affirmer qu’ils fallait réfléchir avant de faire n’importe quoi. Le train paraissait impossible à arrêter.
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124. Verts
vendredi 19 avril 2019 § Commentaires fermés sur 124. Verts § permalink
infinies tendresses des nuances de verts la printemps résiste au dérèglement
120-123. Cercles de pierre
dimanche 24 février 2019 § Commentaires fermés sur 120-123. Cercles de pierre § permalink
quatre ou cinq mille ans au-dessus des cercles de pierres et fossés le milan royal veille
diamants ou piliers trop durs pour la taille féminins ou mâles unis au solstice
si dures les pierres bigots désarmés1 mais les constructeurs au feu et l'eau froide certaines absentes comme pour nous dire du plus loin des temps de les écouter
- Si l'on en croit une brochure de présentation du lieu, au moyen-âge le christianisme convainquit les locaux d'éradiquer ces traces des rites du passé. La dureté des pierres ou la persistance du "paganisme" les poussa à se contenter de les enterrer. Mais plus tard un procédé pour les fracturer en les chauffant puis en versant dessus de l'eau froide permit d'en débiter certaines en pierres de construction. [↩]
Dans l’Otmoor depuis Beckley
vendredi 22 février 2019 § Commentaires fermés sur Dans l’Otmoor depuis Beckley § permalink
Langage is fossil poetry
Ralph Waldo Emerson cité dans Landmarks de Robert MacFarlane
Ce parcours, avec ses variantes, je l’ai fait quelques dizaines de fois. Mais là, c’est spécial. Pas seulement à cause de la lumière rasante d’un bel après-midi de février. C’est spécial parce que je suis en train de lire les dernières pages de Landmarks de Robert MacFarlane. C’est un livre sur des mots anglais, gaéliques, écossais, norse1 et des dialectes parfois très locaux de ces langues. Ces mots caractérisent des lieux ou des événements survenant dans certains lieux par leurs propriétés physiques, les sensations qu’on éprouve à les traverser, leurs devenirs, leurs affordances (ce qu’ils permettent d’agir), les émotions qu’ils procurent, et plus. Dans le livre, ces mots sont regroupés en glossaires thématiques, chacun de ces glossaires étant précédé d’un récit retraçant le parcours de personnes qui comme MacFarlane se sont pris de passion pour ces « mots marqueurs du territoire », personnes qu’il a souvent rencontrées et avec qui il a dans plusieurs cas développé une complicité intense. À chaque mot ou locution, MacFarlane a associé (ou reçu d’autres producteurs de glossaires) une définition. Ces définitions sont de la pure poésie, dans leur précision et leurs évocations. Un exemple (ne me demandez pas comment ça se prononce) :
clachan sinteag (gaélique) : dans une lande, pierres de gué à travers une zone marécageuse2
Départ pour un peu plus d’une heure de course dans l’Otmoor. Moor veut dire lande et l’Otmoor est tout entier une lande marécageuse mais qui a été drainée lors des enclosures pour la transformer en terres à pâture, ce qui donna lieu à une forte résistance jusqu’aux Otmoor riots de 18303. Aujourd’hui partie des terres a été transformée en réserve naturelle et retournée à son état de marais. L’élément constitutif de la lande, la tourbe, y est peu présent (si l’on excepte quelques puits à tourbe dans les villages qui l’entourent) contrairement à l’Exmoor, au Dartmoor et à ces zones que MacFarlane célèbre en Écosse et qui m’ont aussi fourni matière à poème. Cela commence par une longue descente en passant par le pub, maintenant propriété de la communauté qui l’a racheté, le donne en gérance et en a fait une Free House, libre de ses choix de bières. Passées les dernières maisons, une grande prairie où trois chevaux, trois vaches et une dizaine de brebis sont disposées comme un enfant poserait des figurines. L’herbe est encore bonne par cet hiver aux allures de printemps. Des deux côtés de la route, haies et fossés. À l’origine, chaque haie comportait un fossé de drainage et de chaque côté une haie de hêtres ou de charmes couchés (rabattus et entrelacés), branches torturées, presque miniatures, haies infranchissables sauf ouvertures ménagées pour le passage des animaux (il y a plusieurs mots pour cela dans Landmarks) délimitant tout un écosystème aquatique et arboricole. Et bien sûr j’ignore tout des noms de tout ça dans les langues que je crois maîtriser. Enfin presque, la technique pour les haies s’appelle hedgelaying en anglais et il y en a des dizaines de variantes dans différents comtés.
La route va rétrécissant, asphalte disparue sur les côtés, nids de poule multipliés, budget des collectivités locales en berne ou nature recouvrant ses droits. Un Y avec à droite l’entrée de l’Otmoor Shooting Range, terrain de manœuvres militaires où vous êtres prévenus qu’on pourra vous y abattre comme menu gibier. À gauche devient piste et c’est la réserve naturelle. On y circule sur des chemins surélevés, d’une terre qui me paraît tourbeuse tout de même. L’eau suint partout après les pluies des dernières semaines. Les observateurs d’oiseaux sont à leur poste, lunettes, jumelles et appareils photo pointant sur de lointains volatiles, et attirail vestimentaire de rigueur. Quelques minutes et sur la gauche un chemin perpendiculaire conduit à un observatoire d’oiseaux sur pilotis, belle construction où l’on imaginerait passer la nuit.
Quelques dizaines d’oies cendrées au bord de l’eau, quelques couples de colverts dérangés et partant en vol nuptial, cris métalliques des poules d’eau. La piste tourne à droite vers Charlton, je l’abandonne en continuant tout droit sur un sentier herbeux. Quelques temps encore et c’est le pont qui mène à la ferme aux chiens aboyeurs. Coup d’œil à la montre pas le temps de continuer jusqu’à Noke pour revenir en boucle. Au retour, l’euphorie de l’effort qu’on sait suffisamment léger, les massifs de roseaux, tout ce qu’on n’a pas vu à l’aller et qui saute aux yeux. Et toujours les mots qui manquent, mais au moins le savoir, les désirer.
- Version sur les îles bitanniques du vieux norrois, langue norvégienne médiévale. [↩]
- Ma traduction. [↩]
- En 1980 et aujourd’hui, des luttes se déroulent pour empêcher la construction d’autoroutes impactant l’Ormoor, luttes qui se placent explicitement dans la lignée des Otmoor Riots. [↩]
Lasagne
mardi 1 janvier 2019 § Commentaires fermés sur Lasagne § permalink
le labeur de creuser soulagé par un aide amical trente centimètres de profondeur marqueterie de bois pourris disposés sans effort ensuite feuilles de tilleul enduites de leur gras humus ajout d'herbe coupée puis terre triée et compost recommencer jusqu'à l'espoir de fèves et courgettes
119. Anticyclone
dimanche 30 décembre 2018 § Commentaires fermés sur 119. Anticyclone § permalink
gommage des lignes en quelques secondes tirets cadratins dans l'azur trop sec
115-118. Duel
mercredi 26 décembre 2018 § Commentaires fermés sur 115-118. Duel § permalink
masses indistinctes le noir des montagnes et celui du ciel à peine bleuissant un rien les sépare ce n'est pas un trait juste deux moitiés d'univers nocturne en taches éparses l'éclairci des neiges et le ciel soudain délavé de blanc bientôt le bleu les traînées rougies les jeux des enfants appellent le jour
Lisant La langue géniale d’Andrea Marcolongo, j’expérimente l’impossible importation poétique du duel du grec ancien – un plus un égale un formé de deux choses, dit-elle – en notre langue d’où il est absent.
Dés à coudre
samedi 22 décembre 2018 § Commentaires fermés sur Dés à coudre § permalink
Ceci est le quarantième texte de la série Néotopies. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.

Il y a la maltraitance brutale. Refoulement, rétention, expulsion, privations de toit, de nourriture, d’eau, gazage, vol des biens aussi maigres que précieux, déni des évidences, prison, interrogatoire, mensonges forcés puis reprochés, non-respect des décisions de justice. Mais, avec le courage, l’ingéniosité et l’entraide, il en passe quand même entre les mailles de ces filets. Pas tant, mais trop pour les comptables du rejet des autres. Pour ceux-là qui passent encore on a inventé le supplice des mille coups d’épingles. Histoire de leur apprendre et qu’on n’appelle pas l’air et l’ouverture des frontières en voyant tout ce qu’ils nous apportent. Chaque coup d’épingle, c’est presque rien, tu as pris rendez-vous 10 jours avant sur internet pour déposer une demande à la préfecture et quand tu arrives tu n’es pas sur la liste. Tu ne vas tout de même pas en faire une histoire. Tu n’as pas de passeport et ton pays n’en délivre pas alors la banque refuse de t’ouvrir un compte en banque, tu ne peux pas toucher la bourse que ton lycée professionnel t’as obtenu, ça attendra bien sûr, et même si ça risque de faire des problèmes aussi pour le contrat jeune majeur et pour le titre de séjour, n’en fais pas un fromage. Tiens pour ce dernier, pour déposer le dossier, il fallait un timbre fiscal de plusieurs dizaines d’euros. Tu croyais que pour le titre lui-même, ce serait 19 € mais tu découvres qu’il y a une taxe en plus de 250 € parce que tu n’es pas rentré en France avec un visa et que pour un visa tu aurais payé 250 € et on ne va tout de même créer des inégalités. Le titre tu l’attends 3 mois exactement et comme le récépissé qu’on t’a donné n’est valable que 3 mois, tu est déjà revenu 5 ou 6 fois à la préfecture demander où c’en est, des heures d’attente à chaque fois et à chaque fois on te dit quelque chose de différent, qu’il est arrivé, qu’il est monté en haut mais pas encore redescendu, qu’il est toujours en production, que ça ne sert à rien de revenir avant le dernier jour demander une prolongation pour le récépissé, il faut venir seulement le dernier jour, et le dernier jour 6 heures d’attente, et quand par miracle tu passes – les miracles ça fait partie des coups d’épingle, enfin ça te prépares pour le prochain – tu passes donc et là on te dit qu’il faut payer 40 € de plus et tu ne sais pas pourquoi, 360 € ou plus pour obtenir un titre de séjour qui serait d’un an mais en fait il n’est que de huit mois, tiens dans 4 mois il faut que tu prennes rendez-vous pour le prolonger au même tarif ou plus cher, 45 € par mois pour l’équivalent étranger d’une carte d’identité gratuite et valable 15 ans. Et au fait, c’est pas tout, lors de la délivrance du récépissé, on t’a dit que les photos d’identité certifiées conformes ne l’était pas parce qu’avec ta peau noire il n’y a pas assez de contrastes et il faut que tu ailles chez un photographe qui lui éclairera mieux, et tu l’as fait 30 € les photos mais quand tu les amènes on te dit pas la peine on gardera les autres. Les coups d’épingle, c’est jamais un jour de répit. Même pas le temps de boire un jus de mangue pour fêter l’obtention du titre de séjour et tu reçois un mail sibyllin annonçant qu’il manque un avenant à ton contrat d’apprentissage préparé par une entreprise et l’enregistrement du contrat d’apprentissage est rejeté ce qui suspend son exécution, et tu mets un moment à comprendre que non rien du tout, il faut juste joindre un truc que les DRH d’une multinationale ont oublié de joindre. Jamais une journée sans qu’on te rappelle que tu n’as pas de droits juste des faveurs temporaires dont tu devrais déjà être bien content et que ça commence à suffire que tu râles tout le temps, tiens voilà un coup d’épingle de plus, ça t’apprendra. Et le pire, c’est que ce n’est pas quelqu’un de précis qui te le dit, c’est une multitude anonyme de gens qui se cachent les uns derrière les autres, le département derrière l’État, l’association dernière l’ASE, la banque derrière la réglementation. Et c’est vrai souvent, ils ne te veulent que du bien, mais ils font marcher la grande machine qui t’administre les coups d’épingle.
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SECONDA mini-festival de poésie-performance les 25-26-27 janvier 2019
lundi 17 décembre 2018 § Commentaires fermés sur SECONDA mini-festival de poésie-performance les 25-26-27 janvier 2019 § permalink
114. Paysage
jeudi 13 décembre 2018 § Commentaires fermés sur 114. Paysage § permalink
chevelure d'arbres au lointain mouvante un amour enfui à jamais insu