lundi 10 juin 2013 § § permalink
C’était il y sans doute 25 ans. Devant un bar d’une petite ville des Pyrénées, deux hommes se battaient. L’un semblait semblait avoir le dessus et cognait à répétition la tête de l’autre sur le trottoir. Terrorisé qu’il le tue ou le blesse gravement, j’intervins pour calmer le jeu. En environ 30 secondes, ils se mirent d’accord pour castagner en chœur le pertubateur qui prétendait les empêcher de régler leurs comptes. Je n’ai pas perdu cette habitude de tenter d’aider au dépassement de désaccords entre amis, mais maintenant, je mets mon casque d’avance. Donc, sachez le bien, j’ai la même sympathie pour ceux qui tentent d’organiser les pratiques non marchandes comme une sphère autonome et pour ceux qui veulent explorer toutes les façons de rendre ces pratiques soutenables, y compris par une articulation directe avec des activités commerciales.
Je voudrais ici défendre une thèse simple… aux conséquences complexes : dans l’écosystème d’écriture numérique, nous avons besoin de l’exploration simultanée de modèles qui autonomisent complètement la sphère non marchande et de modèles qui l’articulent avec l’édition commerciale. Là où les conséquences sont complexes, c’est qu’il s’agit bien de deux modèles de développement de l’écriture numérique, qui peuvent entre en tension l’un avec l’autre, mais qui partagent des valeurs communes qu’il est important d’expliciter : » Lire la suite «
dimanche 5 mai 2013 § § permalink
On venait d’annoncer la mise en place de masters de création littéraire. Dans un entretien avec Macha Séry du Monde, Hélène Merlin-Kajman exprimait sa méfiance à l’égard de l’enseignement de l’écriture littéraire à l’université. Elle avançait divers arguments qui auraient pu constituer d’utiles avertissements sur les écueils à éviter (asservissement de l’écriture à la communication, normalisation des procédés). Seulement, il ne s’agissait visiblement pas d’esquisser ce que devrait être un espace éducatif d’appropriation de l’écriture et de l’opposer aux projets en cours. Elle en critiquait le principe même, défendant pied à pied l’enseignement commentaire de la littérature, affirmant que « pour écrire il faut avoir été touché par ses lectures ». Apparemment ce point est peu contestable, et pourtant, une fois surmontée ma frustration devant le conservatisme disciplinaire de l’interviewée (elle-même romancière), c’est justement cette affirmation que j’ai décidé de soumettre à l’exercice du doute.
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mercredi 18 juillet 2012 § Commentaires fermés sur Mots d’absence § permalink
Le vieil homme ne sait toujours pas pourquoi elle lui rendait visite. Sans doute sa maison au bord du parc, et la curiosité de le voir par la fenêtre assis devant son ordinateur. Elle ne vient plus. Maintenant, c’est son absence qui lui rend visite. Il écrit son absence.
Le fil invisible s’entoure autour de la taille. Il serre. Pas brutalement, juste un peu, juste assez pour qu’il devienne progressivement impossible d’ignorer cette gêne. L’instant d’avant on était plongé dans l’ici, dans le mouvement d’une pensée, dans l’intensité du perçu. Et voilà qu’on est rappelé au désordre. Pourtant tout était parfait. Le pas de la promenade. La pluie légère et chaude. La musique des insectes et du vent. Le vert si éclatant cette année. Soudain la seule présence, c’est son absence. L’absence est ubiquitaire. Elle loge dans cette table au bord du chemin. Elle est derrière cet arbre. Dans l’anfractuosité du mur de pierres sèches. Elle n’a pas de forme, pas même en creux. Elle se cache dans le hangar derrière les tracteurs. Ou peut-être dans ces bateaux curieusement rangés si loin de toute eau. On se ressaisit, si l’absence n’a pas de forme comment aurait-elle un lieu ? Elle doit être en nous. Tapie, c’est elle qui serre la ficelle. On peut conjurer l’absence. Il suffit d’appeler l’absente. De plonger dans la mémoire. Invoquer son visage, qui ne se dérobera pas pour l’instant. Plus sûrement encore redire en soi ses mots. Mais à se remplir ainsi de sa présence, voilà que survient l’absence de l’absence. Perdre son absence, c’est pire que de la vivre. S’abandonner donc à l’absence, accepter qu’elle est notre état.
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