Et nos visages, mon cœur, brefs comme des photos de John Berger

dimanche 1 mai 2016 Commentaires fermés sur Et nos visages, mon cœur, brefs comme des photos de John Berger

Un petit livre rassemble en lui les facettes de l’écriture de John Berger. Son titre « and our faces, my heart, brief as photos » est le dernier vers d’un poème. Petits récits dont chacun porte une pensée profonde, acuité de l’analyse du regard, du rapport entre corps et conscience, amour et humanité. On voudrait traduire chaque passage pour le rejouer dans son esprit, dans sa langue.

Il est allongé avec la tête entre ses jambes. Combien de millions d’hommes se sont tenus ainsi. Combien de femmes, plaçant une main sur leurs têtes et souriant pensivement, ont pensé à l’accouchement.

mais autant traduire d’abord le poème qui introduit le livre et lui donne son titre :

Quand j'ouvre mon portefeuille
pour montrer mes papiers
payer une note
ou vérifier l'horaire d'un train
je regarde ton visage

Le pollen des fleurs
date d'avant les montagnes
les Aravis sont jeunes
parmi les monts

Les fleurs produiront
encore des ovules
quand les Aravis vieillissants
ne seront que collines

La fleur dans le portefeuille
du cœur, la force
qui nous fait vivre
survivront à la montagne

Et nos visages, mon cœur, brefs comme des photos

Le livre a été traduit par Katia Berger Andreadakis en 1991 sous le titre Et nos visages, mon cœur, fugaces1 comme des photos aux Éditions Champ Vallon.

  1. Pourquoi ai-je traduit brief par bref et non par fugace ? C’est d’une part parce que brief (comme adjectif) veut dire bref, mais à soi seul cela n’excuserait pas l’étrangeté de dire que des visages ou des photos sont brefs. Mais les visages et les photos sont au cœur de tout l’ouvrage. Les photos ne sont pas fugaces, c’est ce qu’elles saisissent qui l’est. Quant aux visages, John Berger nous dit que ceux qui lui apparaissent lorsqu’il ferme les yeux sont avec certitude pour lui ceux de morts. Ce sont nos vies qui sont brèves. []

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