C. (22 mois) dort avec sa sœur
qu’elle appelle
Chuchi pour Lucie
Comme beaucoup d’enfants
elle se berce pour s’endormir
Pour cette occasion
de chambre commune
cela donne
« Dodo Chuchi, dodo me, dodo Chuchi, dodo me… »
jeudi 27 mai 2021 § Commentaires fermés sur Berceuse § permalink
C. (22 mois) dort avec sa sœur
qu’elle appelle
Chuchi pour Lucie
Comme beaucoup d’enfants
elle se berce pour s’endormir
Pour cette occasion
de chambre commune
cela donne
« Dodo Chuchi, dodo me, dodo Chuchi, dodo me… »
samedi 20 mars 2021 § Commentaires fermés sur Naturalisme et animisme § permalink
la conversation se déroule dans la chambre où ils ont rapproché leurs lits.
L. (4 ans) : « A circle has no end. »
A. (6 ans) : « The universe has no end either1. »
L. : « Oui mais mon blutak2 est plus grand que ton bébé panda roux donc c’est lui qui sait »
Mal en point dans la disputation
L. y substitue celle des peluches
au rapport de forces inversé
en Oxfordshire
on n’est pas loin des daemons
de Philip Pullman3
ils habitent les peluches
et prennent quelques libertés
lundi 14 décembre 2020 § Commentaires fermés sur L’animisme des enfants § permalink
L. (4 ans) dessine un paysage
avec des arbres
à un moment délicieux
tous transpire d’amour
et gribouillé le mot love
envahit tout les blancs
Le soleil va se coucher
et c’est ce qu’il va faire
et c’est pourquoi
il n’y a
qu’un petit bout de soleil
And when it rises in the morning, I always send a letter to somebody … and the sun gives a lovely kiss to the mind of its little sun…
mercredi 6 novembre 2019 § Commentaires fermés sur Naissance de la parole § permalink
quatre mois et un jour
retrouve sa maison
C’est elle qui parle d’abord
puis sa mère questionne
sa joie du retour
des jouets retrouvés
du voyage
Quatre phrases d’elle1
plus loin sa soeur
parle à son père
» Lire la suite «
dimanche 22 septembre 2019 § Commentaires fermés sur Jam session à Anglesey abbey § permalink
l’été prolongé
d’un jour en automne
autour les sous-bois
jonchés de cyclamens
sur le gazon
allongée près de son père
paupières fermées
soleil dans les yeux
onze semaines
elle aussi se mêle
aux conversations
à côté sa mère et une amie
chantent avec grande sœur
et l’autre enfante
difficile de suivre le rythme
mais elle y parvient
applaudissements
puis again
et démarre aussitôt
lundi 22 juillet 2019 § Commentaires fermés sur Lecture § permalink
la petite sœur a une semaine
la grande – 31 mois
lui lit un livre
pas choisi par hasard
Pip and Posy : The new friend 1
Elle tourne les pages
pour se souvenir
de l’histoire
qu’elle résume
en désordre
Posy likes Pip
does not like Zac
… at start but after2
Pozac (poor Zac) Pozac3
la petite écoute
en agitant les bras
signe d’intérêt préhensile
puis profite de silences
pour glisser ses sons
à elle dans la lecture
Mais quelle histoire
raconte-t-elle ?
jeudi 4 juillet 2019 § Commentaires fermés sur Nommer § permalink
quatre heures du matin
dans le nord d’ici
déjà la lumière du jour
il n’y a pas de rideaux
on a pris le babyphone
pour que les parents dorment
et dans le silence
juste un mot
ni crié ni murmuré
rien que dit
Chloé
le nom
de sa petite sœur
née il y a deux jours
répondant peut-être à
un pleur ou une première voyelle
en la nommant
elle la fait exister
pas de toutes pièces
d’une qui vient d’elle
petit morceau rajouté
au grand puzzle d’un être
mardi 6 novembre 2018 § Commentaires fermés sur Écriture vocale § permalink
deux ans juste
il est 19h29
dans le pays où elle vit
elle prend un livre
neuf
qu’on ne lui a jamais lu
tourne les pages
en arrière jusqu’au début
scrute les images
et commence alors
à parler
vendredi 19 octobre 2018 § Commentaires fermés sur Corps écrit § permalink
penchée sur la table
crayon tenu comme sa mère
aux grands cercles
matrices
succèdent d’infimes lignes
zigzaguantes
ce sont des écritures
la preuve
si du texte est déjà présent
sur la feuille
elle repasse dessus
avec les mêmes lignes
voici quatre ou cinq
de ces lignes brisées
un meow dit-elle
oreilles du chat
pattes, bouche, queue, ventre
mais disséminées
ici et là
sur la feuille
le texte serait donc
un corps en morceaux épars
et la lecture peut-être
ce qui les rassemble
une histoire
lundi 30 juillet 2018 § Commentaires fermés sur Ombre et reflets § permalink
après le trop fidèle reflet
vient l’ombre
corps projeté
en infinies déformations
épousant
le terrain de jeu
du monde bosselé
allongée
au couchant soleil
raccourcie
dans les montées
elle suit
le départ de la course
est-ce avec un léger retard ?
bras et jambes
s’y tordent et ondulent
pour Murakami1
une sorte d’âme
dont la perte
nous prive
de liberté et d’amour
soudain l’enfante
découvre le voile
à la fenêtre
tôle ondulée pour son ombre
elle voudrait y amener
tout son monde
une feuille de caoutchouc
pour commencer
et soudain prodige
le reflet dans la vitre
se mêle à l’ombre
son visage habite l’ombre
l’une contour
et l’autre texture
c’est d’une indicible
beauté
qu’elle sait
vérifie qu’on regarde
y revient
y aura-t-il
jamais
pareil
pouvoir sur le monde
mardi 10 juillet 2018 § Commentaires fermés sur Mer § permalink
d’abord parler aux vagues
leur dire de venir
parfois rétives
puis toujours
obéissantes
tendre le seau
pour recueillir l’offrande
quelques pas en arrière
et verser une libation
sur le reflux mousseux
répéter mille fois
gestes rythmés par
l’horloge marine
inlassables et doux
mots indistincts
de contentement
d’être une pièce
dans le grand être du monde
plus rien n’existe
si les vagues grandissent
elles l’emporteront
mais oseraient-elles
pense le gardien
il mine mentalement
le geste de le rattraper
soudain il se retourne
juste un regard
mais non bien sûr
lundi 11 juin 2018 § Commentaires fermés sur Changer de place – Une réflexion § permalink
Je traduis ici une réflexion poétique et phénoménologique de Tina Turco (@larosaturca), dont le texte original italien est reproduit plus bas.
Je voudrais me souvenir du chant des oiseaux en ce jour, plus touchant aujourd’hui que jamais, doux et mélodieux, scandé d’accents plus délicats et lents, conversant parfois presque comme des oiseaux nouvellement nés; le chant du merle, surtout.
Une chose inouïe s’est produite aujourd’hui pour mon propre chant : quelques vers que je considérais depuis plusieurs semaines comme perdus dans la source indistincte de l’oubli, me sont non seulement revenus à l’esprit au réveil, mais en remontant le fil de cette résurgence, je compris qu’ils m’avaient été rendus parce que je m’étais trouvée physiquement, quelques jours auparavant, dans un endroit qui possédait une affinité essentielle avec ces vers perdus…
Avec quelle surprise m’est alors apparue la prémonition permise par l’écriture poétique, mais aussi le pouvoir intrinsèque de la poésie à entre-mettre différents lieux; à permettre l’expérience sans passer par la sensation physique, et à pourtant s’incarner.
Ici, les vers que je pensais perdus, et dont je doutais qu’ils soient vraiment inspirés, parce qu’ils ne faisaient pas suite à une expérience de vie dans le monde – se réduisant presque à un exercice mental – avaient en fait précédé mon expérience, me permettant de cueillir directement un concentré de sens dans un déplacement qui surpasse1 l’expérience physique de la dimension spatio-temporelle.
Qualcosa d’inaudito si è compiuto oggi anche per il mio canto : alcuni versi che da settimane consideravo perduti ormai nell’indistinta fonte di Oblio, non solo mi ritornavano alla mente al risveglio, ma riattingendoli comprendevo che ciò poteva accedere grazie al fatto di essermi trovata fisicamente, qualche giorno prima, in un luogo che era per essenza affine ai versi perduti…..
Con quale sorpresa allora ho visto il potere predittivo di poetare, e anche la facoltà intrinseca di Poesia di tra — durci in luoghi diversi ; consentendo l’esperienza senza passare da quella fisica sensoriale, e tuttavia incarnandosi.
Ecco, quei versi che credevo perduti e che dubitavo fossero davvero ispirati perché non erano successivi a un’esperienza viva nel mondo – quasi fossero soltanto un esercizio mentale – in realtà avevano preceduto la mia esperienza, offrendomi di cogliere un distillato di senso direttamente in un moto a luogo che sopravanza l’esperienza fisica della dimensione spazio-temporale.
mercredi 30 mai 2018 § Commentaires fermés sur Lecture § permalink
dix-neuf mois
tournant les pages
d’un livre
à chacune une phrase
énoncée en silence
des lèvres
et de la langue
sans aucun son
sa parole muette s’arrête
pour tourner la suivante
l’énoncé porte bien
sur la page
elle conte une histoire
rapide, saccadée
une récitation presque
récapitulant son savoir
de ce qui se passe
inscrit dans les images
et les textes
à la fin du livre
une mosaïque de vignettes
présente les autres
de la collection
elle s’arrête
les examine longtemps
puis repart au début du livre
et reprend
le moulin à lire
vendredi 26 janvier 2018 § Commentaires fermés sur Triangle § permalink
quatorze mois chaque
l’une sur le genou droit
l’autre genou gauche
d’elle qui lit
à voix haute un livre
du genou droit
il se met à parler
mêlant aux mots contés
un récit incompris de nous
mais pas de l’une
elle quitte le livre des yeux
qui se portent
sur le visage de l’autre
scrutent ses lèvres
lisent son intention
à des signes invisibles
ce qu’elle apprend là
nul ne pourrait l’enseigner
elle boit une pensée
au fil de la parole
comme plus tard adulte
on guettera les mots
murmurés indéchiffrables
par l’aimé.e rêvant
vendredi 24 novembre 2017 § 1 commentaire § permalink
… soit chez l’enfant qui apprend à parler, soit chez l’écrivain qui dit et pense pour la première fois quelque chose, enfin chez tous ceux qui transforment en parole un certain silence1
revenir au silence primordial
dans Cabane d’hiver
on l’entend derrière
les bruits de la nature
c’est un silence de fond
comme le coureur
chez le nouveau-né
silence grouillant
des sons entendus
au ventre
brisé déjà par son cri
douleur de l’air
frayant son premier chemin
pour le suivre
d’abord crier
mais sans un bruit
touiller la tambouille
lire silencieusement
à haute voix
le vouloir dire
d’un texte inécrit
mardi 10 octobre 2017 § Commentaires fermés sur Parenthèse § permalink
Pour les proches de Sylvie
ce qui vit
n’est qu’une parenthèse
une incise
dans le récit du temps
une forme traversée
de mille langues
pétrissant dans ses entrailles
la farine brunie des mots
entendus au passage
de l’intérieur ne parle
pas seulement la voix
mais le corps tout entier
le feu brillant des yeux
et le parcours ferme des gestes
lorsque nous recueillons
ses offrandes
chaque parenthèse
nourrit
le récit des multitudes
où vit sa marque
mardi 7 mars 2017 § Commentaires fermés sur Rapprendre § permalink
troubles soudains
de l’enfant projeté
par le percevoir mutant
dans des mondes inconnus
il nous faut rapprendre
ce vertige des sens
reconfiguration
de ce qui ondoie
dans le coresprit
comme si au bord du vide
se mêlaient
le délice inquiet
d’un amour naissant
et de l’innommable
la terreur muette
c’est dans cette mixture
qu’une ébauche fragile
peut s’écrire en nous
et vibrer avec d’autres
vendredi 3 mars 2017 § Commentaires fermés sur Parler avant la parole § permalink
quatre mois
le flux continu se fragmente
arrêt et reprise
suppléent le manque de consonnes
transition bruitées
où l’oreille devine
le m et le p
assemblées en une nouvelle prosodie
soulignée de gestes
le chant aussi
bouche et langue
machant délicatement
la matière sonore
elle parle
à nous de comprendre
l’onde du sens
navigue sur notre écoute
un hymne au sein
lâchant le téton
pour trois sons
et le happant
d’un plongeon soudain
relève la tête
sourire triomphant
voyez j’existe
comme être de parole
jeudi 9 février 2017 § Commentaires fermés sur Situation § permalink
J’écris Anatomie des sens dans une double expérience : l’émerveillement d’un grand-père interagissant avec le développement de trois petits êtres et une lecture immersive de Phénoménologie de la perception de Maurice Merleau-Ponty. Je ne sais pas ce qu’Anatomie des sens sera, si ce n’est qu’il s’agira des relations entre langue, écriture et coresprit. Je ralentis sans cesse ma lecture, ressassant chaque phrase, pas pour atteindre une compréhension supérieure, mais plutôt pour que l’expérience de lecture dure, pour habiter ces mots. Attaquant la troisième et dernière partie, je tombe sur ou plutôt dans une phrase :
Ce livre commencé n’est pas un certain assemblage d’idées, il constitue pour moi une situation ouverte dont je ne saurais pas donner la formule complexe et où je me débats aveuglément jusqu’à ce que, comme par miracle, les pensées et les mots s’organisent d’eux-mêmes.
Voilà un sacré cadeau du philosophe à l’écriveur de poésie, même si le « comme par miracle » n’est jamais donné.
samedi 4 février 2017 § Commentaires fermés sur Éclat § permalink
premier éclat
des rires
saluant la répétiton
d’un jeu
son corps balancé
des genoux paternels
en arrière puis avant
à deux cent kilomètres
un enfant de cent jours aussi
regarde la vidéo
de ce prodige
éclate de rire
à son tour
il a trouvé
son pareil autrui