vendredi 4 décembre 2020 § Commentaires fermés sur L’écriture d’après, c’est pendant § permalink
Comme je ne peux pas vous répéter tout le temps que Sœur(s) est bien et qu’il faut le lire, vu que d’autres l’ont déjà dit et que les lieux et activités où vous pourriez rencontrer le livre et son auteur sont en stand-by, sauf le site de l’éditeur et celui de certains libraires, j’ai décidé, une fois n’est pas coutume, de vous parler de ce qui m’occupe – écriture et lectures – depuis février dernier. Février, ce n’était pas le début de la pandémie mais le début de notre prise de conscience de son impact. C’était aussi le moment où la revue Squeeze a annoncé que son prochain appel à textes porterait sur le thème Après la guerre et que la date limite était fin avril 2020. Je m’y suis mis lentement, la pandémie avait envahi ma vie quotidienne et mes efforts intellectuels. Ce retard fut bénéfique en me conduisant à écrire un texte sur l’après d’une guerre qui serait aussi l’après de la pandémie d’après, pas celle dans laquelle nous sommes encore plongés mais celle qui surviendra si nous ne tirons pas à temps les leçons de la présente. Ce texte, vous pouvez le lire. Je l’ai envoyé à une amie et elle m’a dit : « tu écris un autre roman ! ». En fait, j’avais essayé d’en écrire deux autres qui étaient plus ou moins en hibernation et je n’avais pas du tout l’intention de me lancer dans un troisième deuxième roman. C’est le constat – elle n’a pas dit « tu devrais en faire un roman », mais « tu écris un autre roman ! » ‐ qui a précipité les choses.
Je vois venir la déception de ceux qui redoutent une nième dystopie post-apocalyptique. Il n’y a pas de doute, c’est post-apocalyptique, mais vu qu’il y a trop-plein de dystopies, je n’en fait pas une de plus, tandis que les néotopies pas gnan-gnan, il n’y en a pas tant que ça. Évidemment, je ne vais pas vous raconter, mais pas de raison de vous cacher le continent que j’explore. Depuis des décennies, l’une des sources de ma réflexion et de mes écrits est l’anthropologie. Comme tous les amateurs investis, j’y ai picoré avec éclectisme, mais rétrospectivement on peut quand même y discerner une lignée rassemblant dans le désordre Marcel Mauss, André Leroi-Gourhan, Claude Levi-Strauss, Philippe Descola, Eduardo Viveiros de Castro et Nastassja Martin, avec en contrepoint la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty poursuivie par Gilbert Simondon puis Bernard Stiegler, les approches post-darwiniennes de l’évolution (Stephen Jay Gould et son influence sur Baptiste Morizot) et les approches artistiques et militantes de Claudia Andujar. Si je cite ces noms fameux, ce n’est pas pour me réclamer de leur auctorité, mais parce qu’aujourd’hui, la prise en compte de leurs pensées converge vers deux questions fondamentales pour notre temps :
- Dans le contexte de la crise écologique au sens large (y compris social, sanitaire et éthique), peut-on construire un pacte du vivant qui combinerait une forme d’animisme à ethos de réciprocité et la rationalité du naturalisme qui semble s’y opposer en tous points ?
- Quelles relations établir avec les objets techniques qui externalisent des processus mentaux humains et à travers eux avec ceux qui les conçoivent ?
Nous sommes très nombreux à tenter de répondre à la première question et ce bouillonnement est fertile. En 2005, Philippe Descola se moquait gentiment du néo-chamanisme mais aujourd’hui il s’agit d’autre chose que de singer des rites. Il s’agit de penser des droits, de construire des communs, des systèmes d’échange et des politiques à échelles multiples, dans lesquels les entités variées qui constituent le vivant aient une place, sans oublier pour autant que communs, échanges et politiques sont des concepts humains. Je m’efforce de contribuer à ces efforts, mais mon sentiment est que Baptiste Morizot dans le champ de la philosophie et Nastassja Martin dans celui de la littérature ont une bonne longueur d’avance.
La seconde question, celle d’un ethos de la conception et de la relation aux machines, suscite de grands bavardages, mais je pense avoir une sorte de devoir, surtout après la disparition de Bernard Stiegler, de continuer d’y ouvrir, dans le champ de la littérature, puisque c’est celui où j’agis aujourd’hui, de nouveaux chemins du possible. Mon roman en cours, qui n’a pas encore de titre, laboure cette question des relations avec les machines (vous verrez pourquoi j’utilise cette métaphore agricole). Il utilise un dispositif narratif très différent de celui de Sœur(s), mais j’espère qu’il joindra un jour l’agréable à l’utile pour ses lectrices et lecteurs. En attendant, je rame et transpire, mais c’est la vie.
jeudi 8 octobre 2020 § Commentaires fermés sur Actualité § permalink
Dans mon roman Sœurs la surveillance généralisée est présente comme un environnement factuel de nos sociétés. Sœurs n’est pas un livre sur la surveillance, il n’en rajoute pas une couche, comme le ferait une dystopie qui aurait bien du mal à surpasser la réalité de ce qui se passe dans le Xinjiang pour les Ouighours ou même de ce que nous mijotent les politiciens de chez nous. Sœurs donne la voix à l’incomplétude de chacun, à l’incertitude et la force des amours, aux pouvoirs de la langue quand on la libère de de ses usages polluants, aux tours que jouent le hasard. Le récit prend les choses par en bas, si vous y cherchez les GAFAM, vous les trouverez sous la forme de startuppers minables qui ont oublié de s’arrêter de grandir à temps. Cet en bas, c’est celui des degrés de liberté qui restent et où se construisent des sororités, de celles qui ont aussi une place pour les hommes et les frères pour le jour où on inscrira Liberté-Égalité-Sororité aux frontons des mairies et des écoles. Mais tout de même, il serait dommage de se passer d’un petit coup de main promotionnel dont un livre publié par une maison d’édition indépendante a bien besoin.
Nous avons donc embauché très temporairement les promoteurs de ce qu’un article du Monde d’hier appelle :
des méthodes d’enquête – certes encadrées – de plus en plus tournées vers la captation en temps réel, le « prédictif », et de facto relevant pour beaucoup du domaine du renseignement. Notamment grâce à l’utilisation d’une méthode contestée qui doit faire l’objet, en France, d’un débat parlementaire en 2021 : la détection de menace par algorithme.
Cela fait un moment qu’ils étaient là, comme le racontent dans Sœur(s) les membres d’un groupe d’enquêteurs plutôt limiteurs de dégâts mais radicalement dépassés par le cours des choses. Car si vous cherchez des menaces par algorithmes, soyez rassurés, vous en trouverez, et ceux qui ne sont pas encore suspects le deviendront vite une fois qu’ils auront subi quelques conséquences de leur détection. Et je parle de toutes les menaces, par exemple les tenues qui portent atteinte à l’ordre républicain ou les croyances qui ne seraient pas compatibles avec les valeurs dont la Constitution de la République Française ne dit rien car elle n’emploie le mot valeur que deux fois dans l’expression « mise en valeur de l’environnement. »
Pour faire face aux dangers de la détection de menaces par algorithme, présente dans Sœurs sous le nom de révélation de culpabilité potentielle, il nous faut accroître le nombre de suspects, ce que je vous invite à faire en achetant et lisant le livre sans tarder.
vendredi 1 février 2019 § Commentaires fermés sur En second lieu… § permalink
… on se remercie les uns autres, les autres de ce que les uns l’aient rendu possible et les uns que les autres aient bien voulu en être et d’autres encore, venus par divers chemins, d’avoir pu le découvrir et d’y avoir donné corps. Ce ballet de remerciements, ce qu’il dessine, nous ne savons pas encore le dire, à mettre des mots dessus – groupe artistique, mouvement littéraire, ou des noms de genres – on casserait la fragile magie qui a fait que chacun.e d’entre nous a creusé plus profond son sillon ou a pris le risque d’investir de nouveaux territoires de la voix, de la langue ou de l’évocation. Les trois souvent.
Ce qui nous réunit c’est une communauté de pratiques exploratoires et expérimentales et une façon d’articuler l’individu et le collectif. Le savoir qu’on n’est ni les premiers, ni les seuls. D’ailleurs chacun.e d’entre nous est part d’autres rassemblements, d’autres pratiques. À ne partir que de ces généralités, on manquerait la substance de ce qu’on fait. Les substances. Il faut donc partir de chacune. Il a celle qui écrit en marchant, et répète avec variations jusqu’à ce qu’une suite s’ouvre et le tout dessine un univers. Il y a ceux qui font vibrer leurs unissons dans une joute moqueuse pour ouvrir un chemin de traverse ou explorer le royaume des aléas. Il y a celle qui recroquevillée, se cachant presque, agence un dit du terrible qui la ferait chiot et de la féroce liberté de le recracher de sa bouche envahie. Il y a celle qui mêle le poème épique antique et ce qu’il dit du trop d’amour et les épopées d’aujourd’hui, leurs forces et leurs dérives. Il a celle qui dit des rêves indicibles et ce sont des choses belles et pourtant impossibles à dire et pourtant dites et des pierres qui pleuvent et qui lancées blessent les corps. Il y en a un qui parle de comment mange un youtubeur et d’une épopée de milliers de vers qu’il pense à écrire au-delà des trente qui sont déjà là. Il y en a une qui poétise dans une langue qui est celle de la plupart d’entre nous et pourtant est neuve, venu d’un ailleurs qui n’est pas géographique comme certains le penseraient à son nom ou son accent, d’un ailleurs de la pensée et du dire. Il y en a un – moi – qui passe graduellement d’un texte à un autre et dans cette transformation explore des indits qui s’y cachaient et des recoins de la langue. Il y a celle qui déroule le monde à partir d’annonces immobilières comme le scientifique le fait à partir d’une goutte d’eau. Celui qui rêve et parle des frontières qui deviennent plus grandes que les pays qu’elles séparent. Celle qui parle d’une zone proche et ce qu’elle en dit en fait un pays lointain où d’y rien savoir construit une grammaire pour désapprendre et qu’y adviennent des sorciers. Un autre invente une série sulfureuse à l’héroïne vêtue de roses, qui caviardée de soupe musicale nous fait imaginer les mots manquants. Deux qui avec la voix, une langue de simplicité brutale et une guitare préparée, parlent des cordes, de grimper, de marcher sur, de lécher les culs d’au-dessus, de ce que cela fait aux mains et aux langues à coups de like. Une qui explore les multiples possibilités que son corps donne à sa voix fut-ce pour dire qu’on colle des mouches au plafond, déroule des rubans de papiers tue-mouches et décolle les deux épaisseurs d’un papier toilette. Le souffle est présent chez tous mais trois en ont fait substance, deux en le faisant entendre, l’une en solo pour installer les premières minutes d’un jour qui en compte 1440 comme les autres, l’autre comme un instrument qui accompagne son dit dans la force et l’épuisement. Le troisième en a fait un titre par son nom grec, qui signifie aussi l’esprit, celui qui lui permet de mêler des registres divers dans ses œuvres en recomposition permanente. L’une enfin, superpose sa voix présente à celle enregistrée et à écouter le son où elles se fondent, d’autres sons envahissent notre cerveau et notre corps.
Chacune des phrases qui précèdent échoue à vous transmettre les composants alchimiques de SECONDA. Elles ne sont que des points de repère en attendant le moment où vous pourrez écouter et lire les interventions, des signes sur une carte virtuelle, un pâle écho de celles de Mathilde Roux dans sa série En second lieu – la guerre qui constituait l’autre volet de SECONDA. Mais c’est tout ce que j’ai pour l’instant pour vous faire partager le bonheur commun qui nous porte encore.
samedi 3 novembre 2018 § § permalink
Ceci n’est pas une note de lecture. Parce qu’il y a des livres qu’on ne se contente pas de lire, ils agissent, ils révèlent ce qui nous a construit et ce faisant, ils nous aident à construire plus avant. C’est donc un récit de ce que ce livre fait, pas seulement à moi, mais à tous ceux qui explorent des formes contemporaines de la poésie-performance, et que je voudrais prolonger plus que commenter. Par ailleurs, Emmanuèle Jawad a conduit et publié dans Diacritik sous le titre Hors de la page trois remarquables entretiens approfondis avec l’autrice sur son livre, qu’on trouvera ici : 1, 2, 3.
Le sous-titre du livre, Poésie en action à Paris (1946-1969) semble définir un cadre temporel et géographique précis qui est effectivement exploré en profondeur dans la thèse de Cristina de Simone et l’ouvrage qui en résulte (superbement édité par les Presses du Réel). En réalité, Proféractions ! balaye un champ beaucoup plus vaste, et les passages consacrés aux prédécesseurs des proféracteurs, aux prolongements de leurs pratiques dans les 30 dernières années du vingtième siècle et ceux où Cristina de Simone suggère discrètement que l’histoire n’est pas terminée sont parmi les plus intéressants du livre.
Je vous propose donc un petit voyage sur une période plus longue, allant de 1896 au contemporain, en quatre temps, dont le 3e forme le coœur de Proféractions !. Je les retrace ici pour introduire à quelques pensées sur le quatrième, qui est celui de notre présent, et en particulier celui du festival de poésie-performance SECONDA que nous organisons avec Mathilde Roux les 25, 26 et 27 janvier 2019.
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lundi 18 septembre 2017 § Commentaires fermés sur Trop loin, trop près § permalink
C’est rien de dire que j’ai du mal à m’y remettre, après avoir plus ou moins déserté l’atelier pendant sept mois. Pendant ces sept mois, j’ai écrit, puis révisé suite aux retours de premières lectrices, un roman dont je ne vous dirais— presque — rien dans ce billet. L’écriture de ce texte s’emparait de toutes les activités corporelles et mentales qui sont pour moi nécessaires à la production littéraire, dont beaucoup n’ont rien à voir avec l’acte physique de presser des touches, bouger des curseurs ou faire défiler des textes. Je n’avais pas cessé pour autant de m’engager dans des interactions intenses avec d’autres, certains ayant pris dans cette période une place particulière : mes trois petits-enfants dont le développement refuse obstinément de se ralentir un peu pour je parvienne à correctement l’observer et m’en délicer et nos hôtes étrangers qu’avec tant d’autres nous essayons de protéger de la maltraitance politique et administrative et de doter de la considération au sens que Marielle Macé donne à ce mot, c’est à dire une respiration qui conjoigne la colère [contre le sort qui leur est fait] et l’attention, l’être affecté et le scrupule et au bout du compte, simplement les maintenir dans leurs droits. Pendant ce tunnel d’écriture, j’ai éprouvé le besoin de rapatrier de la vie sociale quelques tableaux qui sont insérés dans le texte du roman comme si le temps et l’espace d’écriture faisait irruption dans l’univers fictionnel. Mais la séparation restait grande.
La grande difficulté que je ressens à retrouver l’interpénétration quotidienne de l’écriture sur le site et des autres temps, ceux des promenades et des conversations, des tâches travailleuses et domestiques, des regards et des gestes rend explicite pour moi ce que cette interpénétration a d’irremplaçable, la façon dont elle constitue un tissu où les possibles de la langue entrouvrent ceux de la vie et les élans de la vie se métamorphosent en textes. Le temps de l’écriture en chambre est soit trop loin de celui du réel qu’il abolit pour le recréer, soit lorsqu’on le réel y fait irruption, trop près pour qu’on y voit nettement. Tout cela peut être beau, mais ce qui alimente vraiment un parcours d’écriture, c’est la juste distance que permet l’atelier sur le web.
lundi 10 mars 2014 § § permalink
A l’invitation de Robert Mankin et Ali Reza, j’ai fait hier l’une des interventions introduisant une discussion collective sur « Est-ce que la pensée est libre ? » à la Fondation Deutsch de la Meurthe de la Cité Universitaire de Paris. Les autres interventions émanaient de Denis Kambouchner qui a positionné le débat avec une remarquable clarté et rigueur et Muriel Ekovich qui y apportait le point de vue d’une neuro-scientiste et vidéaste de communication scientifique. Les résidents de la fondation ont animé la discussion. Je ne savais pas trop dans lequel de mes blogs publier ce texte qui porte à la fois sur les libertés dans l’ère numérique et le rapport entre pensée consciente et activités mentales sous-jacentes dans l’écriture. Va pour ce blog ci.
Le cerveau humain a probablement assez peu évolué pendant les 50 000 dernières années, et les capacités intellectuelles des êtres humains ont donc eu un support biologique assez constant. Pourquoi donc un spécialiste du numérique, de l’informatique et d’internet aurait-il quelque chose de spécifique à vous dire sur la question qui nous est posée : « est-ce que la pensée est libre ? » ? C’est que si le support biologique, dont va nous parler Muriel Ekovich, est stable, les conditions de la pensée, de la mémoire, de l’expression, de l’échange, de l’action matérielle, de l’accès à l’information ont profondément changé pendant ces 50,000 années et en particulier récemment.
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vendredi 30 août 2013 § § permalink
L’un des principaux acteurs de l’édition numérique littéraire, la galaxie publie.net (qui inclue les édition publie.net, leur extension publie.papier, la revue D’ici là, etc.) est en train de se reconfigurer pour une nouvelle étape. Une équipe déjà active d’auteurs et de professionnels de l’édition numérique prend les rènes, et j’espère pouvoir l’y aider, ne serait-ce que par reconnaissance pour tout ce que m’ont apporté les auteurs et lecteurs qui évoluent dans cet univers.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, on ne peut pas concevoir le futur d’une maison d’édition numérique littéraire sans prendre en compte l’ensemble de l’écosystème de l’écriture, de la lecture, de la médiation et plus généralement du numérique.
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mardi 16 juillet 2013 § Commentaires fermés sur Une maison numérique, du blé et deux heures de temps libre par jour § permalink
Il y a 85 ans, Virginia Woolf annonçait dans A Room of One’s own qu’un siècle plus tard, il serait moins exceptionnel qu’une auteure soit dotée d’une pièce où travailler sans être dérangée et de cinq cents livres de rente. Ces femmes pourraient ainsi libérer le potentiel complet de leur écriture pour qu’elle embrasse toute la réalité. Elle précisait qu’il fallait mesurer la part du symbole dans chacune des deux conditions, la pièce à soi représentant les conditions de la liberté de travailler et penser par soi-même et les cinq cent livres de rente, celles du temps libre et de la contemplation. Il va falloir sérieusement sprinter dans les 15 dernières années pour que la promesse soit tenue. Mais sans attendre, on peut revisiter A Room of One’s own avec à l’esprit une autre question, celle des conditions de développement de l’écriture numérique.
L’idée m’en est venue lors d’une conversation avec un praticien de l’écriture numérique dans une rencontre d’activistes culturels numériques. Comme je lui faisais part de mon admiration pour Virginia Woolf (VW ci-après) et du rôle important qu’Une pièce à soi jouait pour certaines pratiques d’écriture numériques, il m’opposa que les cinq cents livres de rente relevaient d’une conception bourgeoise élitiste, et qu’il avait du mal à aller plus loin. Or justement il faut aller plus loin et s’abstraire un peu du détail des conditions proposées par VW. C’est à a partir de l’attention remarquable qu’elle porte aux conditions matérielles de l’acte d’écriture, que nous pouvons explorer les conditions de développement de l’écriture numérique.
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lundi 10 juin 2013 § § permalink
C’était il y sans doute 25 ans. Devant un bar d’une petite ville des Pyrénées, deux hommes se battaient. L’un semblait semblait avoir le dessus et cognait à répétition la tête de l’autre sur le trottoir. Terrorisé qu’il le tue ou le blesse gravement, j’intervins pour calmer le jeu. En environ 30 secondes, ils se mirent d’accord pour castagner en chœur le pertubateur qui prétendait les empêcher de régler leurs comptes. Je n’ai pas perdu cette habitude de tenter d’aider au dépassement de désaccords entre amis, mais maintenant, je mets mon casque d’avance. Donc, sachez le bien, j’ai la même sympathie pour ceux qui tentent d’organiser les pratiques non marchandes comme une sphère autonome et pour ceux qui veulent explorer toutes les façons de rendre ces pratiques soutenables, y compris par une articulation directe avec des activités commerciales.
Je voudrais ici défendre une thèse simple… aux conséquences complexes : dans l’écosystème d’écriture numérique, nous avons besoin de l’exploration simultanée de modèles qui autonomisent complètement la sphère non marchande et de modèles qui l’articulent avec l’édition commerciale. Là où les conséquences sont complexes, c’est qu’il s’agit bien de deux modèles de développement de l’écriture numérique, qui peuvent entre en tension l’un avec l’autre, mais qui partagent des valeurs communes qu’il est important d’expliciter : » Lire la suite «
dimanche 5 mai 2013 § § permalink
On venait d’annoncer la mise en place de masters de création littéraire. Dans un entretien avec Macha Séry du Monde, Hélène Merlin-Kajman exprimait sa méfiance à l’égard de l’enseignement de l’écriture littéraire à l’université. Elle avançait divers arguments qui auraient pu constituer d’utiles avertissements sur les écueils à éviter (asservissement de l’écriture à la communication, normalisation des procédés). Seulement, il ne s’agissait visiblement pas d’esquisser ce que devrait être un espace éducatif d’appropriation de l’écriture et de l’opposer aux projets en cours. Elle en critiquait le principe même, défendant pied à pied l’enseignement commentaire de la littérature, affirmant que « pour écrire il faut avoir été touché par ses lectures ». Apparemment ce point est peu contestable, et pourtant, une fois surmontée ma frustration devant le conservatisme disciplinaire de l’interviewée (elle-même romancière), c’est justement cette affirmation que j’ai décidé de soumettre à l’exercice du doute.
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mardi 29 janvier 2013 § Commentaires fermés sur Reconnaissance, soutenabilité, édition et visibilité pour l’écriture numérique § permalink
Dans la dernière partie de la rencontre publie.net organisée vendredi 25 janvier au Centre Cerise, une discussion s’est engagée à partir de questions et affirmations provocantes d’Emmanuel Tugny (qui avait publié précédemment un passionnant entretien avec François Bon sur son blog de Mediapart).
On était fatigués comme un vendredi soir, affamés ou bourrés de cacahuètes et le cerveau plein des choses passionnantes d’avant, mais tout de même des questions essentielles ont pointé la tête dans cette discussion qu’il faut je crois garder à l’esprit. J’essaye de les restituer ici en demandant grande indulgence sur la fidélité de cette restitution (voir point précédent sur fatigue et cacahuètes). C’est parti de questions du provocateur demandant à François Bon « qui il publiait » et suggérant que ce serait, là comme ailleurs, des gens frustrés et affamés de publication, recherchant la reconnaissance symbolique et pratique qui va avec. Au « qui » François Bon répondit que l’essentiel c’était que c’était presque uniquement des auteur(e)s qu’il avait découverts par leur blog ou site, et que c’était cela le plus important parce que cela signalait que ces sites et les pratiques qui vont avec sont le lieu d’une forme importante de la création littéraire aujourd’hui. Maintenant, comme tout être humain se construit en reconnaissant les autres et recherche leur reconnaissance, qu’est ce donc que la reconnaissance pour les écriveurs numériques ?
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