vendredi 4 septembre 2020 § Commentaires fermés sur Douce menace § permalink
Un temps trop parfait
immobile comme une menace
les monts méditent sur notre sort
la terre du jardin
nous comble de dons
~
Le bourdonnement de la centrale
prépare les lumières artificielles
déjà quelques réverbères
mais je mange sans allumer
dans le soir qui tombe
Jupiter déjà haute
annonce l’automne
la nuit
dépose son tissu de soie.
mercredi 3 juin 2020 § Commentaires fermés sur Pour les petits-enfants confinés § permalink
Au début du confinement au Royaume-Uni, j’ai écrit quatre poèmes pour mes petits-enfants, chacun décliné en français et en anglais. En français, ces poèmes suivent la forme de mes quatrains inspirés de la poésie Tang, avec quelques exceptions à l’alternance des terminaisons féminines et masculines. En anglais, ils restent pentasyllabiques, mais sont dominés par la multiplicité des assonances et allitérations qui ont fait de l’anglais une des langues privilégiées des comptines pour enfants.
Arthur
Arthur s’aventure Arthur ventures
au fond du jardin up in the garden
tout un univers with his giant boots
à portée de bottes from stars to planets
Léon
le plus doux des lions the coolest lion
il rugit et griffe he roars and scratches
ou est-ce qu'il miaule or does he miaow
et fait des calins and give cuddles
Lucie
Lucie lit un livre Lucie reads a book
à sa sœur assise sister sits in wonder
planètes rangées the planets queuing
pour entrer en classe before class starts
Chloé
ses yeux comme bouches eyes like two mouths
prêtes à dévorer ready to swallow
le monde tout cru the whole word raw
et nous tous avec and you together
lundi 1 février 2016 § Commentaires fermés sur Une clarté en soi – larosaturca § permalink
larosaturca est le nom de plume d’une poète italienne dont les textes ont pour moi une résonance particulière. Elle publie plusieurs brefs poèmes chaque jour. Certains d’entre eux suscitent en moi le démon de la traduction. Vous en trouverez quelques traces sur son site. Elle a publié aujourd’hui un poème en prose que je trouve d’une grande beauté et que je suis heureux d’accueillir précédé de ma traduction sûrement imparfaite.
En un rien de temps, le brouillard nous a englouti, nous et nos vies
scintillantes et privées de splendeur. Bloc de clarté en soi, il a occupé
tout l'air et les lointains démêlant le rêve. Alors, la pierre taillée
et son dit solitaire se confient à nouveau dans la vue des forêts
soudain retrouvée.
In qualche istante la nebbia ha avuto ragione su di noi, sulle nostre vite luccicanti e prive di splendore. Un corpo di chiarore per se stesso, ha occupato tutta l’aria e le distanze un dipanare di sogno, e la pietra manufatta e il suo detto solitario nuovamente si confidano nell’occhio restituito d’improvviso alle selve.
mercredi 23 décembre 2015 § Commentaires fermés sur Sur les crètes du Cantau au Berbeillet § permalink
allongement imperceptible des jours
attente vaine de l'hiver tardif
lumière rasante portant les ombres
en signes vagues sur les arbres chauves
un silence incroyable que seuls troublent
le cri du chocard, les cracs des fougères
nos pas hésitants guettent les pensées
des monts indifférents à nos destins
lundi 21 décembre 2015 § Commentaires fermés sur Dit du jour le plus court § permalink
au plus près de la crête
les hêtres contre le vent
nouent leurs troncs et leurs branches
plus bas nous circulons
sur les arêtes entre les dolines1
par temps de brouillard
on se perd dans ces reliefs chaotiques
les conteuses racontent des histoires
de disparus transformés en arbres
par belle lumière on y pense
à d'autres sortilèges
soudain le grand tétras
s'échappe en froufroutant
nous l'imitons en trainant
les pieds dans les feuilles
2. Adage : (de adagio) Suite de mouvements effectués sur un rythme lent, souvent avec l’appui d’un partenaire. (Le petit Robert)
Christine Jeanney et moi avons écrit à quatre mains et deux claviers un poème. Sa lecture vous est proposée au fil d’un enregistrement de l’Adagio du concerto en sol majeur de Maurice Ravel (interprété par Marguerite Long et l’Orchestre symphonique sous la direction du compositeur en avril 1932). Son écriture a suivi le même fil. Voici le produit de cette collaboration dont nous avons inventé les règles en marchant.
venu | ... à la rame | ... vers | ... la rive aimante | ... à vau-l'eau après | ... lumière rasante | ... rien vu | ... rien entendu | ... la rade l'ancre l'amarre | ... algues varech | ... vie égarée | ... linéament | ... esquissant l'à venir | ... voyageur enfoui | ... rafle l'avance | ... rive l'amour | ... aux voiles lointaines | ... au vent levé | ...
viens | ... entre elle | ... et lui | ... entre en eux | ... rassemble-les | ... lie leur étreinte | ... envoûte l'aléa | ... leurs esprits vacants | ... étire-les | ... vers l'étranger | ... vois | ... l'ébauche visible | ... la ligne | ... au ventre | ... arrondis-là | ...
vagir | ça monte emplir l'air vif | depuis très loin derrière nousaux alentours | n’aie pas peur les arômes | main sur l’épaule leurs voix | il n’y a pas de certitudes la vague répandue | oh comme elle meurt et le ressac | léger englouti | entendu voir | figure confiante leurs regards | et rien à obtenir lucarnes accrochées au vide | relâchement
appâts | atteindre espace enveloppe rêvée | silences vite l'agir | le poids infini avant l'abandon | une autre tessiture requiert | ce qui trébuche venue après l'absence | une autre voix rebelle | toute proche en lisière | maintenue amorce vacillante | tenace liesse | docile suit le courant verticales réjouissances | liesse encore les regards | les étreintes en renfort | ce qui enveloppe l’immensité
avec l'ample roulis | viennent les arpèges l'eau vibrante | pas d'inquiétude la vie | sa force souterraine enfle | ne lâche pas prise
la voix libérée | l’esprit l'enfant exulte | une rivière de sel l'avancée | sur les pierres qu’on enjambe encore retenue | parce qu’on ne sait rien
allongé au verger | ensuite apprendre les noms recenser les végétaux | les constellations les animaux | l’équation du ciel sur la mer la réalité | vive les ères | bouleversements les vies assemblées | reconstruites les ribambelles | éparpillées leurs éternels amas | ne pas pouvoir tout embrasser
regardant | ce qui est maintenant derrière soi lequel | tout a été avec | peines tranchantes et joies la vie | juste et en avant | sans course, sans brusquerie le labyrinthe | suivre les destinations, le fil enchevêtrant | les éclats de ciel, coulés rêves et affres | les arbres penchés en signe de consolation robe végétale | constellation aux ramilles étoilées | une danse énigmatique | un miroitement, on ne peut le saisir l'espérance | comme un insecte doux, une luciole à attraper aussitôt les larmes | ce qui s’éteint les regrets | ne peut se dire les vergognes | creusements aux arcanes voilés | inassouvis à la racine | rien n’est tari la lumière, la rosée | le jour recommencé essence volée | dans un parfum
assemblage labile | s’ouvre et s’ouvre encorereflet volatil | fugace approchant l'autre | la tête dans le creux du couen vital élan | une marche éclate | le cri d’une mouette écoute la rumeur | les vagues bercent bleu le blanc vacillante étreinte | au bout de la jetée embrasement | plus loin – d'une force le voilà | soleil posé sur l’horizon l'esprit voyageur | une ligne dans le ciel
lentement | s’en allant vers l'épure | intraduisible aspirant | atemporel à l'entrevu | deux eaux l'ajour | disparition l'entrelacé | silence
Poème : Philippe Aigrain et Christine Jeanney
Segmentation de l’enregistrement et programmation : Philippe Aigrain.
mercredi 25 novembre 2015 § Commentaires fermés sur Madeleine a cent et deux ans § permalink
Madeleine à l'heure qu'il est
fête ses cent et deux ans
à l'hôpital voulaient la retenir
mais elle a dit au chirurgien :
"je dois fêter ça avec mes copines"
à deux fois et demi l'âge canonique
des copains plus beaucoup n'y a
à l'instant elle doit lever son verre
et se resservir de gâteau
bêtement on voulait lui cacher
le triste état du monde
mais elle nous a demandé si
à Paris pas trop de chambardements
Ce sera la matière d'un autre rêve
comme pour nous celle de nos écrits.
mercredi 7 octobre 2015 § Commentaires fermés sur Obscurcissement § permalink
au soir qui s'abat sur nous
viscosité de l'air
une pâte diffuse
gélatineuse froide
fluctuant nuage
envahissant nos pensées
s'y figeant pour les éteindre
elles se débattent encore
cherchant des canaux
pour conduire au loin
des messages d'étreinte
une cascade de murmures
mardi 6 octobre 2015 § Commentaires fermés sur Chaos § permalink
confusion des êtres et des choses
magma tumultueux
où rien ne cuit
solides rassurants
dissous en vapeurs
formes fugitives
de corps désirables
effrités par nos caresses
sols mouvants mares glauques
le bourdonnement constant
de nos pensées
lui même étranger
Scène vue à Athènes dans une rue du centre, tout près de Zinonos, la rue des bazars les moins chers du monde, un kilomètre d’essuie-tout à 3,50 €, 1 € la paire de chaussettes en fil d’écosse. Russkiye Produkti annonce fièrement l’un d’eux mais ce sont les chinois qui importent-exportent. Le dimanche on s’y presse pour faire des affaires, et c’est aussi par là que certains migrants survivent un temps. Ce n’est pas la vérité d’Athènes, des structures de solidarité auxquelles j’ai rendu visite dans divers quartiers, des repas interminables et joyeux aux terrasses de Gazi ni de la nuit tombante sur l’Acropole, mais l’image de ce couple ne me quittera pas.
substance inconnue coupée dans la capsule
fondant au feu vif de la flamme de briquet
lui africain elle sans doute des Balkans
accroupis dissimulés entre deux voitures
se tenant compagnie en terre de malheur
ignorés par les flics aux motos rutilantes
lundi 16 mars 2015 § Commentaires fermés sur Sonnet / 1 § permalink
ta si vive absence, sœur inexistante
ne manque pas à l'appel des vents printaniers
ils connaissent ton corps, frôlent ta chevelure
leurs doigts y embrouillent mon esprit égaré
j'y habite parfois un sommeil agité
tout un peuple rêvé en écorce brumeuse
t'escortant de feuilles, d'une robe végétale
un drap vert à froisser où je glisse mes mains
d'autres fois ce n'est que murmure suspendu
la forêt de bouleaux me guette désertée
où donc te caches-tu derrière leur troncs frêles ?
il est des nuits rares où nue tu me regardes
alors soudain je cesse d'exister sous tes yeux
je deviens le frère de ta mémoire absente
dimanche 4 mai 2014 § Commentaires fermés sur Ballade des hautes vallées § permalink
Les hommes-creux habitent dans la pierre, ils y circulent comme des cavernes voyageuses. Dans la glace, ils se promènent comme des bulles en forme d’hommes. Mais dans l’air, ils ne s’aventurent, car le vent les emporterait.
René Daumal, Histoire des hommes creux et de la rose amère, Cahiers du Sud n°239, 1941.
jeudi 9 mai 2013 § Commentaires fermés sur Vertiges et assoupissements § permalink
cristaux déplacés dans canaux semi-circulaires
disposés en plans orthogonaux par la magicienne évolution
paroxisent vertiges bien qu'ils soient dits bénins
mais la lente dégradation du tissu social
ne fait qu'assoupir ceux qui encore pourraient agir
devinez ce qu'engendre ce sommeil
Yeux grands ouverts en forme de point d'interrogation
me tiennent un discours silencieux :
Qui es-tu donc pour t'intéresser à moi ?
Est-ce que je te dois quelque chose ?
Sauras-tu me donner un petit fil de plus
pour chemin trouver dans ce monde étrange ?