mardi 7 mars 2017 § Commentaires fermés sur Rapprendre § permalink
troubles soudains
de l’enfant projeté
par le percevoir mutant
dans des mondes inconnus
il nous faut rapprendre
ce vertige des sens
reconfiguration
de ce qui ondoie
dans le coresprit
comme si au bord du vide
se mêlaient
le délice inquiet
d’un amour naissant
et de l’innommable
la terreur muette
c’est dans cette mixture
qu’une ébauche fragile
peut s’écrire en nous
et vibrer avec d’autres
vendredi 3 mars 2017 § Commentaires fermés sur Parler avant la parole § permalink
quatre mois
le flux continu se fragmente
arrêt et reprise
suppléent le manque de consonnes
transition bruitées
où l’oreille devine
le m et le p
assemblées en une nouvelle prosodie
soulignée de gestes
le chant aussi
bouche et langue
machant délicatement
la matière sonore
elle parle
à nous de comprendre
l’onde du sens
navigue sur notre écoute
un hymne au sein
lâchant le téton
pour trois sons
et le happant
d’un plongeon soudain
relève la tête
sourire triomphant
voyez j’existe
comme être de parole
mercredi 1 mars 2017 § Commentaires fermés sur Les absents § permalink
Ceci est le trente-huitième texte de la série Néotopies. Ni histoire, ni prédiction, ces textes accompagnent la naissance des néotopies à la façon d’un contrepoint.
Ça commence par l’empire du pire aspirant tout et le reste avec. Décomposition vivante, digestion de soi, os pourris, ventre mangeoire dévoré dedans de voraces envies nourrissant le chaos. Les espoirs taris en instance de déni.
Le pire des moins pires devient pire que le pire. Les justes moins pires ânonnent leurs dogmes à la gargotte des oligarques et le dégoût qu’ils inspirent alimente l’aimant du pire. Un d’autant plus pire qu’il se présente comme propre sur lui s’enfonce doucement dans le bourbier qu’il a soigneusement creusé. Ailleurs, confits en la certitude d’avoir toujours été du bon des côtés, mais oubliant un peu leurs portefeuilles passés, d’autres s’accrochent avec les dents à l’os qu’ils rongent depuis si longtemps, la médaille du meilleur perdant mais pas magnifique. Les en partance du moins pire hésitent pareillement à risquer le possible. Englués dans les palais du passé, ils courent à la même perte en prétendant les fuir.
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lundi 20 février 2017 § Commentaires fermés sur 85. Eaux § permalink
entre ciel et eau
refuge terrestre
entre ville et champs
une feuille d'eau
dimanche 19 février 2017 § Commentaires fermés sur 84. Lignes § permalink
croisement des lignes
dans l'air et au sol
un égarement
de toutes les cartes
mercredi 15 février 2017 § Commentaires fermés sur L’Europe est perdue – Kate Tempest § permalink
Je traduis ici ce poème majeur de Kate Tempest, paroles du deuxième titre de l’album Let Them Eat Chaos (7 octobre 2016). Source : Rap Genius.
Dans l’appartement en sous-sol, près des garages
Où les gens jettent leurs vieux matelas
Esther est dans sa cuisine, fait des sandwichs
Les lames de ses stores sont bancales et tordues
On peut la voir de la rue jusqu’à ce qu’elle disparaisse
Pour ôter les bottes de ses pieds fatigués
Elle vient de faire un double poste
Esther est aide familiale, elle fait les nuits
Derrière elle, sur le mur de la cuisine
Il y a une photo noir et blanc d’un vol d’hirondelles
Ses yeux irrités, ses muscles douloureux
Elle ouvre une bière et la boit à grands traits
La tient contre ses lèvres assoiffées
Et l’engloutit d’un coup
Il est 04:18 une fois de plus
Son cerveau est empli de toutes les tâches du jour
Elle sait qu’elle ne dormira pas un instant
Avant que le soleil se lève
Elle s’inquiète du sort du monde cette nuit
Elle s’inquiète toujours
Elle ne sait pas comment elle ferait
Pour s’ôter ce souci de l’esprit
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vendredi 10 février 2017 § Commentaires fermés sur 83. Avant l’éclipse § permalink
flancs neigeux des monts
retenant le jour
cœur empli de lune
bientôt son éclipse
vendredi 10 février 2017 § Commentaires fermés sur 82. Blé § permalink
affleurement tendre
sur la terre grasse
pointes de froment
présage d'été
jeudi 9 février 2017 § Commentaires fermés sur Situation § permalink
J’écris Anatomie des sens dans une double expérience : l’émerveillement d’un grand-père interagissant avec le développement de trois petits êtres et une lecture immersive de Phénoménologie de la perception de Maurice Merleau-Ponty. Je ne sais pas ce qu’Anatomie des sens sera, si ce n’est qu’il s’agira des relations entre langue, écriture et coresprit. Je ralentis sans cesse ma lecture, ressassant chaque phrase, pas pour atteindre une compréhension supérieure, mais plutôt pour que l’expérience de lecture dure, pour habiter ces mots. Attaquant la troisième et dernière partie, je tombe sur ou plutôt dans une phrase :
Ce livre commencé n’est pas un certain assemblage d’idées, il constitue pour moi une situation ouverte dont je ne saurais pas donner la formule complexe et où je me débats aveuglément jusqu’à ce que, comme par miracle, les pensées et les mots s’organisent d’eux-mêmes.
Voilà un sacré cadeau du philosophe à l’écriveur de poésie, même si le « comme par miracle » n’est jamais donné.
samedi 4 février 2017 § Commentaires fermés sur Éclat § permalink
premier éclat
des rires
saluant la répétiton
d’un jeu
son corps balancé
des genoux paternels
en arrière puis avant
à deux cent kilomètres
un enfant de cent jours aussi
regarde la vidéo
de ce prodige
éclate de rire
à son tour
il a trouvé
son pareil autrui
lundi 30 janvier 2017 § Commentaires fermés sur Rumeur § permalink
allongé sur la table
conversations du restaurant
fondues en rumeur ductile
tente un premier son
trop criard
s’arrête écoute
un filet de voix
affluent modeste
joint à la rumeur
s’amplifiant peu à peu
chant qui se cherche
exister
au grand chœur du monde
quelle joie
mercredi 18 janvier 2017 § Commentaires fermés sur Flot § permalink
rivière de sons
en flot continu
pas un chant
c’est la langue qui coule
in-formée encore
mots roulant
comme pierres
charriées
torrent en nous
de part en part
vouloirs tout autour
et le nôtre
comme une basse continue
est-ce cela qu’on appelle soi ?
mardi 3 janvier 2017 § Commentaires fermés sur Regards § permalink
boire des yeux
ou se noyer
dans la houle
d’un autre regard
avant les larmes
avant les yeux brillants
si fort déjà le courant
qu’il épuise l’esprit
brûle le corps
le regard de l’infant
se détourne bientôt
de cette lave qui l’épuise
plus tard les amants
revivront le feu
la si douce noyade
s’ils se détournent
fut-ce un instant
est-ce désamour
ou pour goûter d’y revenir ?
mercredi 28 décembre 2016 § Commentaires fermés sur Prosodie § permalink
prosodie première
avant les mots
avant tout signifié
l’animal y lit l’intention
du petit humain
tout le corps en frémit
prosodie
première imitation
tout y manque encore
en quête
d’une nouvelle musique
de la langue
le poète
impuissant nourrisson
retrouve cet état premier
mercredi 21 décembre 2016 § Commentaires fermés sur Alteri nos § permalink
ça bruisse de vouloirs
requiérant le nôtre
choses, êtres et ces choses
que des êtres ont voulu
et nous donnent
est-ce pour que nous
en soyons les jouets ?
parmi les êtres
nos petits semblables
rivaux et complices
une sorte d’énigme
posée sous nos yeux
plus mystérieuse encore
qu’un reflet au miroir
présentés à nous
comme une offrande
que nous hésitons à saisir
de tous nos sens
en devenir
lundi 19 décembre 2016 § Commentaires fermés sur Ma tante Gina § permalink
Toute lecture est une écriture en nous. Mais parfois la lecture provoque à l’écriture d’une façon plus visible, à travers une coïncidence qui justement cesse d’en être une, s’empare de nous comme nous nous emparons d’elle. Deux chapitres de Ce qu’il faut de Corinne Lovera Vitali ont pour titre ma tante Gina et encore ma tante Gina. Il se trouve que moi aussi j’ai eu une tante Gina, dont je ne fus pas aussi proche, mais dont j’ai un vif souvenir qui n’est pas pour rien dans le tropisme qui m’emmène souvent au-delà des Alpes.
Je dis vif souvenir, mais je ne sais plus rien de son visage, de sa silhouette, plus de cinquante ans ont passé depuis ces temps où elle m’appelait ragazzino pour m’épargner la vexation supposée du bambino. C’était dans la maison d’A. l’un de ses fils. Le père d’A. était un cousin germain de mon grand-père, et c’est pour cela qu’on me la désignait comme tante. Dans les années 1920, il était parti en Italie exploiter un procédé chimique en même temps que mon grand-père faisait de même en Belgique et son frère en France. Ma tante Gina a dû donc vivre à Milan où l’entreprise s’était établie, mais je pense qu’elle était originaire d’ailleurs, d’un monde plus rural ou montagnard, de quelque part en tout cas où ne régnait pas la réserve milanaise. Gina était pour moi le maillon italien de la famille.
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vendredi 16 décembre 2016 § Commentaires fermés sur Espace § permalink
expansion
la vue porte plus loin
au fond sans fond
devenu objet ou motif
pour l’atteindre
tout entier tendu
le corps
soutient le regard
un nouveau monde
s’inscrit en lui
dessine
des pièces intérieures
puis au soir
les yeux fermés
s’ouvrent sur
ce monde inconnu
l’esprit s’habite
de terreur
et d’exultation
le sommeil se refuse
la nuit geint
et puis s’apaise
demain le monde nouveau
sera familier
mercredi 7 décembre 2016 § Commentaires fermés sur Avant les mots § permalink
avant les mots
avant le babil même
les pleurs ne sont pas seuls
à rompre le silence
le corps joue de ses instruments
flûte respirante
couinements et gargouillis
une pré-langue
agence des vouloirs
pendant le sommeil paradoxal
les rêves turbulents
de la jeune dormeuse
conversent en un sabir sonore
accompagné de gestes
comme plus tard
le seront les phrases
déjà elle parle
dimanche 4 décembre 2016 § Commentaires fermés sur 81. Landes § permalink
grands rectangles d'arbres
posés sur le plat
des Landes sans fin
sol déserté entre
jeudi 24 novembre 2016 § Commentaires fermés sur Le silence primordial § permalink
Avec l’émerveillement sans fin d’observer le développement perceptif et cognitif d’A., L. et L., la lecture de Maurice Merleau Ponty m’accompagne dans l’écriture d’anatomie des sens. En voici un extrait :
Nous perdons conscience de ce qu’il y a de contingent dans l’expression et dans la communication, soit chez l’enfant qui apprend à parler, soit chez l’écrivain qui dit et pense pour la première fois quelque chose, enfin chez tous ceux qui transforment en parole un certain silence. Il est pourtant bien clair que la parole constituée, telle qu’elle joue dans la vie quotidienne, suppose accompli le pas décisif de l’expression. Notre vue sur l’homme restera superficielle tant que nous ne remonterons pas à cette origine, tant que nous ne retrouverons pas, sous le bruit des paroles, le silence primordial, tant que nous décrirons pas le geste qui rompt ce silence. La parole est un geste, et sa signification un monde.
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. 224 de l’édition Tel / Gallimard.